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1661. ‑ À M. LE DUC DE RICHELIEU.
À Cirey, ce 8 juin.

Je crains bien qu’en cherchant de l’esprit et des traits,
Le bâtard de Rochebrune[1]
Ne fatigue et n’importune
Le successeur d’Armand et les esprits bien faits[2].

Il faut pourtant s’évertuer pour que les idées de votre maçon ne soient pas absolument indignes de l’imagination de l’architecte. Vous voulez, monseigneur, un divertissement au second acte, où il soit question du duc de Foix.

Figurez-vous qu’à la fin du second acte, la princesse de Navarre est déjà reconnue, et qu’on lui apprend que le duc de Foix avance ; aussitôt arrive un député de ce duc de Foix, en présence du duc de Foix lui-même, qui est toujours Alamir. Ce député est suivi d’esclaves maures qu’il envoie à la princesse ; ils font une entrée, et chantent. La princesse dit qu’elle ne veut rien du duc de Foix. Il y a dans le fond du théâtre un bassin d’eau représenté par des toiles blanches. Les esclaves répondent qu’ils vont mourir, puisqu’on les rebute, et que leur maître en usera ainsi. Ils se précipitent dans l’eau, et il en renaît sur-le-champ autant d’Amours qui viennent avec des fleurs et des flambeaux, et qui disent à peu près à la dona :

De nouveaux esclaves paraissent :
Ne les rebutez pas, c’est pour vous qu’ils renaissent.
Comme leur mère, ils sont sortis des eaux.
C’est sous vos lois qu’ils sont à craindre ;
Vous avez le pouvoir d’allumer leurs flambeaux,
Et vous n’aurez jamais celui de les éteindre[3].

Cependant il s’élève au milieu de l’eau un groupe d’architecture représentant Jupiter qui enlève Europe, Neptune qui enlève Calisto, et Pluton qui enlève Proserpine ; et on chante tout ce qui peut justifier le duc de Foix par l’exemple de ces trois dieux. Alors les divertissements font place au reste de la pièce.

  1. Rochebrune était un poëte agréable, et auteur de plusieurs chansons. C’est lui qui fit les paroles de la cantate d’Orphée, qui devint le triomphe du musicien Clérambault. Il mourut en 1732. (K.)
  2. Parodie du sixième alinéa de la lettre 1659, à Richelieu.
  3. On ne trouve plus ces vers dans la Princesse de Navarre.