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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/314

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un personnage neuf dans l’année 1744, et d’avoir, dans ce personnage comique, mis de l’intérêt et de la sensibilité. Comment avez-vous pu jamais imaginer que le bas pût se glisser dans ce rôle ? comment est-ce que la naïveté d’une jeune personne ignorante, et à qui le nom seul de la cour tourne la tête, peut tomber dans le bas ? ne voulez-vous pas distinguer le bas du familier, et le naïf de l’un et de l’autre ?

Il n’y a de bas que les expressions populaires et les idées du peuple grossier. Un Jodelet est bas, parce que c’est un valet ou un vil bouffon à gages.

Morillo est d’une nécessité absolue ; il est le père de sa fille encore une fois, et on ne peut se passer de lui. Or, s’il faut qu’il paraisse, je ne vois pas qu’il puisse se montrer sous un autre caractère, à moins de faire une pièce nouvelle.

Je pourrai ajouter quelques airs aux divertissements, et surtout à la fin ; mais dans le cours de la pièce, je me vois perdu si on souffre des divertissements trop longs. Je maintiens que la pièce est intéressante, et ces divertissements n’étant point des intermèdes, mais étant incorporés au sujet, et faisant partie des scènes, ne doivent être que d’une longueur qui ne refroidisse pas l’intérêt.

Enfin vous pouvez, je crois, envoyer le tout à M. de Richelieu, et préparer son esprit à être content. S’il l’est, ne pourrait-on pas alors lui faire entendre que cette musique, continuellement entrelacée avec la déclamation des comédiens, est un nouveau genre pour lequel les grands échafaudages de symphonie ne sont point du tout propres ? Ne pourrait-on pas lui faire entendre qu’on peut réserver Rameau pour un ouvrage tout en musique ? Vous me direz ce que vous en pensez, et je me conformerai à vos idées.

Que de peines vous avez avec moi ! et que d’importunités de ma part ! En voici bien d’un autre. Vous souvenez-vous avec quels serments réitérés ce fripon de Prault vous promit de ne pas débiter l’infâme édition qu’il a fait faire à Trévoux ? M. Pallu me mande qu’elle est publique à Lyon. Je le supplie de la faire séquestrer ; mais je vous demande en grâce d’envoyer chercher ce misérable, et de lui dire que ma famille est très-résolue à lui faire un procès criminel s’il ne prend pas le parti de faire lui-même ses diligences pour supprimer cette œuvre d’iniquité. Il a assurément grand tort, et on ne peut se conduire avec plus d’imprudence et de mauvaise foi. Je travaillais à lui procurer une édition complète et purgée de toutes les sottises qu’il a mises sur mon compte, dans son indigne recueil et c’est pen-