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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/344

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ne fait sur-le-champ que des choses médiocres tout au plus. Ce goût improvisare est le sceau de la barbarie chez les Italiens. Voilà nos troubadours ressuscités.

Vous buvez, mon adorable ange, la dernière bouteille de mon vin ; mais je me flatte que je ferai à Cirey une bonne cuvée, cet été, et que je vous fournirai encore un petit tonneau pour l’hiver. Pardon, je comptais vous faire ma petite cour ce matin ; je ne sais si je serai assez heureux pour voir mes deux anges. Empêchez bien La Noue d’être fâché, car, en vérité, il ne doit pas l’être. La Noue Orosmane ! Ah !

À propos, mon divin ange, je n’ai pas cru qu’il fût du respect de vous prier d’honorer de votre présence notre orgie d’histrions ; mais si vous étiez assez humain pour nous faire cet honneur, vous nous causeriez le plus grand plaisir.

Nous nous réservons toujours pour le beau jour. Mais si, par exemple, Mme d’Argental voulait alors nous honorer de sa présence, avec quelqu’une de ses amies, j’en écrirais sur-le-champ au tyran duc de Richelieu, et je répondrais bien que ce sultan recevrait dans son sérail de telles odalisques. Si Mme d’Argental veut venir entendre de très-belle musique, il ne tient donc qu’à elle. Je vais à bon compte la mettre sur la liste ; et, quand elle se présentera, on lui ouvrira les deux battants.

Encore un mot. Si ces anges, qui tiennent une si bonne maison, veulent donner à souper mercredi à Mme Newton-pompon du Châtelet, on attend leurs ordres pour s’arranger, et on baise le bout de leurs ailes. Je m’arrange très-bien de les aimer à la fureur ; écoutez, chers anges, pourquoi donc êtes-vous si aimables ?


1695. — DE VAUVENARGUES.
À Aix, ce 21 janvier 1745.

J’ai reçu, monsieur, avec la plus grande confiance et la reconnaissance la plus tendre, les louanges dont vous honorez mes faibles écrits. Je ne dois pas être fâché que le premier discours que j’ai pris la liberté de vous envoyer ait vu le jour, puisqu’il a votre approbation malgré ses défauts. J’aurais souhaité seulement le donner à M. de La Bruère dans une imperfection moins remarquable.

J’ai lu avec grande attention ce que vous me faites l’honneur de m’écrire sur La Fontaine. Je croyais que le mot instinct aurait pu convenir à un auteur qui n’aurait mis que du sentiment, de l’harmonie et de l’éloquence dans ses vers, et qui d’ailleurs n’aurait montré ni pénétration, ni réflexion ; mais qu’un homme qui pense partout, dans ses contes, dans ses préfaces,