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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/433

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qu’il voudra, mettre mon nom dans le recueil immense et oublié de ses calomnies ; il pourra m’imputer des sentiments que je n’ai jamais eus, les livres que je n’ai jamais faits, ou qui ont été altérés indignement par les[1] éditeurs. Je lui répondrai comme le grand Corneille dans une pareille occasion : Je soumets mes écrits au jugement de l’église. Je doute qu’il en fasse autant. Je ferai bien plus : je lui déclare, à lui et à ses semblables, que si jamais on a imprimé sous mon nom une page qui puisse scandaliser seulement le sacristain de leur paroisse, je suis prêt à la déchirer devant lui ; que je veux vivre et mourir tranquille[2] dans le sein de l’Église catholique, apostolique et romaine, sans attaquer personne, sans nuire à personne, sans soutenir[3] la moindre opinion qui puisse offenser personne ; je déteste tout ce qui peut apporter le moindre trouble dans la société. Ce sont ces sentiments connus du roi qui m’ont attiré ses bienfaits. Comblé de ses grâces, attaché à sa personne sacrée, chargé d’écrire ce qu’il a fait de glorieux et d’utile pour la patrie, uniquement occupé de cet emploi, je tâcherai, pour le remplir, de mettre en pratique les instructions que j’ai reçues dans votre maison respectable et si les règles de l’éloquence, que j’y ai[4] apprises, se sont effacées de mon esprit, le caractère de bon citoyen ne s’effacera jamais de mon cœur.

On a vu, je crois, ce caractère dans tous mes écrits, quelque défigurés qu’ils soient par les ridicules éditions qu’on en a faites. La Henriade même n’a jamais été correctement[5] imprimée ; on n’aura probablement mes véritables ouvrages qu’après ma mort ; mais j’ambitionne peu, pendant ma vie, de grossir le nombre des livres dont on est surchargé, pourvu que je sois au nombre des honnêtes gens, attachés à leur souverain, zélés pour leur patrie, fidèles à leurs amis dès l’enfance, et reconnaissants envers leurs premiers maîtres.

C’est dans ces sentiments que je serai toujours, avec respect, mon révérend Père, votre très-humble et très-obéissant serviteur,

Voltaire.
  1. In-8° : « ses. ».
  2. In-8° : « tranquillement. »
  3. In-8° : « sentir. »
  4. In-8° : « que j’ai apprises. »
  5. In-8° : « exactement. »