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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/470

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Je suis bien édifié de savoir que celui qui veille sur nos côtes[1] est entre Montaigne et Épictète. Il y a peu de nos officiers qui soient en pareille compagnie. Je m’imagine que vous avez aussi celle de votre ange gardien, que vous m’avez fait voir à Versailles. Cette Michelle et ce Michel Montaigne sont de bonnes ressources contre l’ennui. Je vous souhaite, monsieur, autant de plaisir que vous m’en avez fait.

Je ne sais si la personne à qui vous avez envoyé votre dissertation, également instructive et polie, osera imprimer sa condamnation. Pour moi, je conserverai chèrement l’exemplaire que vous m’avez fait l’honneur de m’envoyer. Pardonnez-moi encore une fois, je vous en supplie, d’avoir tant tardé à vous en faire mes tendres remerciements. Je voudrais, en vérité, passer une partie de ma vie à vous voir et à vous écrire ; mais qui fait dans ce monde ce qu’il voudrait ? Mme du Châtelet vous fait les plus sincères compliments ; elle a un esprit trop juste pour n’être pas entièrement de votre avis ; elle est contente de votre petit ouvrage, à proportion de ses lumières, et c’est dire beaucoup.

Adieu, monsieur ; conservez à ce pauvre malade des bontés qui font sa consolation, et croyez que l’espérance de vous voir quelquefois et de jouir des charmes de votre commerce me soutiennent dans mes longues infirmités.


1846. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Paris, 22 septembre.

Sire, votre personne me sera toujours chère, comme votre nom sera toujours respectable à vos ennemis mêmes, et glorieux dans la postérité. Le sieur Thieriot m’apprit, il y a quelques mois, que vous aviez perdu, dans le tumulte d’une de vos victoires[2], ce commencement de l’Histoire de Louis XIV que j’avais eu l’honneur de remettre entre les mains de Votre Majesté. J’envoyai, quelques jours après, à Cirey chercher le manuscrit original sur lequel je fis faire une nouvelle copie. M. de Maupertuis partit de Paris avant que cette copie fût prête, sans quoi je l’en aurais chargé ; il me dit l’étrange raison alléguée par le sieur Thieriot à Votre Majesté même, par laquelle ledit Thieriot s’ex-

  1. De Tressan, alors maréchal de camp, faisait partie de l’expédition confinée au duc de Richelieu en faveur de la cause du Prétendant, et était particulièrement chargé du commandement de l’armée des côtes de la Manche.
  2. La bataille de Sorr ; voyez tome XI, pages i et ix.