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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/502

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ne vous ait pas frappé. Tout ce qu’elle dit d’ailleurs me paraît écrit avec soin, et la morale me semble naître toujours de la gaieté. Si j’osais, je trouverais beaucoup d’art dans ce caractère.

La prude est une femme qui est encore plus faible que fourbe ; elle en est plus plaisante et moins odieuse. Je ne conçois pas comment vous trouvez qu’elle manque d’art elle n’en a que trop, en faisant accroire qu’elle doit épouser le chevalier, en mettant par là Blanford dans la nécessité de penser qu’on la calomnie.

Ce tour d’adresse doit nécessairement opérer sa justification dans l’esprit de Blanford ; et, quand elle sera partie avec le jeune homme dont elle se croit aimée, elle ne doit plus se soucier de rien.

Pouvez-vous trouver quelque obscurité dans une chose qu’elle explique si clairement ? Enfin je ne peux m’empêcher de voir précisément tout le contraire de ce que vous apercevez. Si les friponneries de la prude ne révoltent pas (ce qui est le grand point), je pense être sûr d’un très-grand succès. Tout le monde convient que la lecture tient l’auditeur en haleine, sans qu’il y ait un instant de langueur. J’espère que le théâtre y mettra toute la chaleur nécessaire, et qu’il y aura infiniment de comique, si la pièce est jouée.

Plaignez ma folie, mais ne vous y opposez pas, et ne dites pas, mon cher ange : « Curavimus Babylonem, et non est sanata : derelinquamus cam[1]. »

Mille tendres respects à l’autre ange.


1872. — À M. G.-C. WALTHER.
Paris, 23 septembre 1747.

Sur vos propositions, et à la prière de M. Algarotti, je vous ai mis en état de faire une édition complète et correcte de mes œuvres. Je vous en ai envoyé trois tomes remplis de beaucoup de choses qui ne sont dans aucune autre édition, et purgés de toutes les fautes qui les défiguraient. J’ai travaillé aux autres volumes avec le même soin, et je vous achète quatre cents exemplaires de votre édition, que je veux bien même vous payer tome à tome pour vous encourager. Vous m’avez écrit que votre édition était sous presse. Cependant les libraires de Hollande mandent que, loin d’avoir commencé, vous renoncez à votre entreprise.

  1. Jérémie, chap. LI, v. 9.