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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/511

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chand de vin. Il doit avoir à présent pour enseigne du laurier au lieu de lierre, quoiqu’on ait dit :


· · · · · · · · · · · · · · · Hedera crescentem ornate poetam.

(Virg. ecl. vii, v. 25.)

Je reçois votre billet. L’honneur que vous voulez me faire[1] en est un pour les belles-lettres. Vous faites renaître le temps où les auteurs adressaient leurs ouvrages à leurs amis. Il eût été plus glorieux à Corneille de dédier Cinna à Rotrou qu’au trésorier de l’épargne Montauron. Je vous avoue que je suis bien flatté que notre amitié soit aussi publique qu’elle est solide, et je vous remercie tendrement de ce bel exemple que vous donnez aux gens de lettres. J’espère revenir à Paris assez à temps pour voir jouer votre pièce, quelque tard que j’y vienne. Comptez que tous les agréments de la cour de Pologne ne valent ni l’honneur que vous me faites, ni le plaisir que votre réussite m’a causé. Je vous mandais, dans ma dernière lettre, que c’est à présent qu’il faut corriger les détails : c’est une besogne aisée et agréable, quand le succès est confirmé. Adieu, mon cher ami ; il faut songer à présent à être de notre Académie c’est alors que ma place me deviendra bien chère. Je vous embrasse de tout mon cœur, et je compte à jamais sur votre amitié.


1885. — À MADAME LA COMTESSE D’ARGENTAL,
à paris.
À Lunéville, le 25 février.

J’ai acquitté votre lettre de change, madame, le lendemain ; mais je crains bien de ne vous avoir payée qu’en mauvaise monnaie. L’envie même de vous obéir ne m’a pu donner du génie[2]. J’ai mon excuse dans le chagrin de savoir que votre santé va mal ; comptez que cela est bien capable de me glacer. Vous ne savez peut-être pas, M. d’Argental et vous, avec quelle passion je prends la liberté de vous aimer tous deux.

Si j’avais été à Paris, vous auriez arrangé de vos mains la petite guirlande que vous m’aviez ordonnée pour le héros de la Flandre et des filles, et vous auriez donné à l’ouvrage la grâce convenable.

  1. La dédicace de Denis le Tyran.
  2. Je pense qu’il s’agit de l’Épitre au maréchal de Saxe, au nom du marquis de Rochemore (voyez tome X), et qui lui aurait été demandée par Mme d’Argental. (B.)