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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/535

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pas se laisser toucher par mes prières et par ma douleur, et pour faire mourir de douleur et de honte un ancien serviteur, et le premier sur qui sont tombées vos bontés[1]. Un mot de votre bouche, madame, à M. le duc de Fleury et à M. de Maurepas, suffira pour empêcher un scandale dont les suites me perdraient. J’espère de votre humanité qu’elle sera touchée, et qu’après avoir peint la vertu je serai protégé par elle. Je suis, etc.


1915. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
à paris.
À Commercy, le 10 octobre.

Oui, respectable et divin ami ; oui, âme charmante, il faudrait que je partisse tout à l’heure, mais pour venir vous embrasser et vous remercier. Je suis ici assez malade, et très-nécessaire aux affaires de Mme du Châtelet. Voici ce que j’ai fait, sur votre lettre.

J’étais dans ma chambre, malingre, et j’ai fait dire au roi de Pologne que je le suppliais de permettre que j’eusse l’honneur de lui parler en particulier. Il est monté sur-le-champ chez moi. Il permet que j’écrive à la reine sa fille une lettre[2]. Elle est faite, et il la trouve très-touchante. Il en écrit une très-forte, et il se charge de la mienne. Ce n’est pas tout, j’écris à Mme de Pompadour, et je lui fais parler par M. Montmartel[3].

J’écris à Mme d’Aiguillon, et j’offre une chandelle à M. de Maurepas. J’intéresse la piété de la duchesse de Villars, la bonté de Mme de Luynes, la facilité bienfaisante du président Hénault, que je vous prie d’encourager. Je presse M. le duc de Fleury ; je représente fortement, et sans me commettre, à M. le duc de Gèvres[4], des raisons sans réplique, et je ne crains pas qu’il montre ma lettre, qu’il montrera ; je me sers de toutes les raisons, de tous les motifs, et je mets surtout ma confiance en vous. Je suis bien sûr que vous échaufferez M. le duc d’Aumont ; qu’il ne souffrira pas que les scandales qu’il a réprimés pendant six ans se renouvellent contre moi, et qu’il soutiendra son autorité dans une cause si juste ; qu’il engagera M. le duc de Fleury à ne

  1. Allusion à la pension de 1,500 livres citée dans la lettre 156.
  2. Celle qui précède.
  3. Le plus jeune des quatre frères Pâris.
  4. François-Joachim Potier, duc de Gèvres, l’un des quatre premiers gentilshommes de la chambre, mort gouverneur de Paris le 19 septembre 1757.