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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/544

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qui a l’oreille fine, en fasse son profit. Il pourrait, étant mon confrère et ayant malheureusement fait une tragédie de Sémiramis qui n’a pas réussi, se dispenser d’approuver une satire contre la mienne ; mais les mêmes raisons qui devaient le retenir l’ont fait agir.

Personne au monde n’est plus capable que vous, monsieur, d’apaiser tout cela, soit en conseillant aux Italiens de ne pas hasarder cet ouvrage, soit en différant l’examen nouveau que vous en pourriez faire, soit en cherchant à vous instruire des volontés du roi, soit enfin en représentant à M. de Maurepas ce que les conjonctures vous permettront de lui dire. Je vous demande pardon de vous importuner pour une chose qui est, en elle-même, bien frivole, mais qui, par la situation où je suis, m’est devenue très-essentielle. J’attends tout de vous, et je serai toute ma vie, monsieur, avec la reconnaissance la plus respectueuse, etc.


1923. — À M. D’ARNAUD.
À Lunéville, le 25 octobre.

Mon cher ami, votre lettre sans date me dit que vous m’aimez toujours, et cela ne m’apprend rien ; j’ai toujours compté sur un cœur comme le vôtre. Elle m’apprend que messeigneurs les princes de Wurtemberg m’honorent de leur souvenir. Je vous prie de leur présenter mes profonds respects et mes tendres remerciements, et de ne pas oublier M. de Montolieu.

Il est vrai que je n’écris guère au roi de Prusse. J’attends que j’aie mis Sémiramis au point d’être moins indigne de lui être envoyée ; j’y ai fait plus de deux cents vers à Lunéville. Il y a quelques années[1] que j’envoyai à Sa Majesté l’esquisse de cette pièce ; j’en suis très-honteux et très-fâché. Ce n’est pas un homme à qui on doive présenter des choses informes ; c’est un juge qui me fait trembler. Personne sur la terre n’a plus d’esprit et plus de goût, et c’est pour lui principalement que je travaille. Je ne croyais pas pouvoir passer ma vie auprès d’un autre roi que lui, mais ma déplorable santé a encore plus besoin des eaux de Plombières que de la cour de Lunéville. Je compte aller à Paris au mois de décembre, et vous y embrasser. Si vous n’étiez pas aussi paresseux qu’aimable, je vous prierais de me mander quelques nouvelles de notre pauvre littérature française. Je vous exhorterai

  1. En février 1747 ; voyez les lettres 1860 et 1861.