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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/57

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P. S. Vous savez M. de Maupertuis à Vienne, chez le prince de Lichtenstein[1], après avoir été dépouillé par des paysans en raison directe de tout ce qu’il avait.


1438. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Camp de Mollwitz, 13 mai.

Les gazettes de Paris qui vous disaient à l’extrémité, et Mme du Châtelet ne bougeant de votre chevet, m’ont fait trembler pour les jours d’un homme que j’aime, lorsque j’ai vu par votre lettre que ce même homme est plein de vie, et qu’il m’aime encore.

Ce n’est point mon frère qui a été blessé, c’est le prince Guillaume mon cousin. Nous avons perdu à cette heureuse et malheureuse journée quantité de bons sujets. Je regrette tendrement quelques amis dont la mémoire ne s’effacera jamais de mon cœur. Le chagrin des amis tués est l’antidote que la Providence a daigné joindre à tous les heureux succès de la guerre pour tempérer la joie immodérée qu’excitent les avantages remportés sur les ennemis. Le regret de perdre de braves gens est d’autant plus sensible qu’on doit de la reconnaissance à leurs mânes, et sans pouvoir jamais s’en acquitter.

La situation où je suis m’amènera dans peu, mon cher Voltaire, à risquer de nouveaux hasards. Après avoir abattu un arbre, il est bon d’en détruire jusqu’aux racines, pour empêcher que des rejetons ne le remplacent avec le temps. Allons donc voir ce que nous pourrons faire à l’arbre dont M. de Neipperg doit être regardé comme la sève.

J’ai vu et beaucoup entretenu le maréchal de Belle-Isle, qui sera dans tout pays ce que l’on appelle un très-grand homme. C’est un Newton pour le moins en fait de guerre, autant aimable dans la société qu’intelligent et profond dans les affaires, et qui fait un honneur infini à la France sa nation, et au choix de son maitre.

Je souhaite de tout mon cœur de n’attendre que de bonnes nouvelles de votre part ; soyez persuadé que personne ne s’y intéresse plus que votre fidèle ami,

Fédéric.

1439. À M. LE PRÉSIDENT HÉNAULT.
À Bruxelles, ce 15 mai.

J’ai reçu hier bien tard, monsieur, la lettre dont vous m’avez honoré le 19 avril, et qui était adressée à Valenciennes. Je n’ai pas été assez heureux pour voir M. de Boufflers[2] dans son ermi-

  1. Né à Vienne en 1696 ; ambassadeur en France depuis 1738 jusqu’en 1741.
  2. Joseph-Marie, duc de Boufflers, cité à la fin de la lettre 1431 ; né en 1706 ; gouverneur de la Flandre ; mort en 1747.