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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/70

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Mérite seul le nom de sage ;
Mais qui peut vous voir de ses yeux
Mérite seul le nom d’heureux.

Ni mon frère, ni ce Knobelsdorff que vous connaissez, n’ont été à l’action. C’est un de mes cousins[1] et un major de dragons Knobelsdorff qui ont eu le malheur d’être tués.

Donnez-moi plus souvent de vos nouvelles. Aimez-moi toujours, et soyez persuadé de l’estime que j’ai pour vous. Adieu.

Fédéric.

1448. À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Bruxelles, ce 5 juin.

Comment mes anges, qui sondent les cœurs, peuvent-ils s’imaginer que je fasse imprimer leur Mahomet ? Je ne suis pas assez impie pour transgresser leurs ordres on ne l’imprimera, on ne le jouera à Paris que quand ils le voudront.

Vous avez cru, je ne sais sur quel billet[2] moitié vers et moitié prose, écrit à La Noue il y a quelques mois, que je lui envoyais ce Mahomet imprimé ; mais mes anges sauront qu’il y a deux points dans cette affaire. Le premier est que j’envoyais à ce La Noue la pièce manuscrite avec les rôles, et qu’il m’a rendu le tout fidèlement, car ce La Noue est un honnête garçon. Le second point est que ledit La Noue a été aussi indiscret qu’honnête homme, pour le moins ; qu’il a montré mes lettres, et que ces petits vers dont vous me parlez, très-peu faits pour être montrés, ont couru Paris. C’est ce second point qui me fâche beaucoup. Il est défendu, dans la sainte Écriture, de révéler la turpitude de son prochain[3] ; et la plus grande des turpitudes, c’est une lettre écrite d’abondance de cœur à un ami, et qui devient publique. J’ai appris même qu’on a défiguré et fort envenimé ces petits vers, dont en vérité il ne me souvient plus. Enfin j’ai tout lieu de croire que cette bagatelle est allée jusqu’aux oreilles de monsieur le cardinal[4]. Ce qui me le persuade, c’est

  1. Le prince Frédéric.
  2. Il s’agit peut-être du huitain
    Mon cher La Noue, illustre père,
    qui est dans les Poésies mêlées, année 1741 ; voyez tome X. Mais Voltaire ici donne à penser que les huit vers étaient accompagnés de prose.
  3. Voyez le chapitre xviii du Lévitique.
  4. Le cardinal de Fleury.