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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/83

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bavard le plus bavard des Allemands, a écrit une énorme lettre à Mme du Châtelet, dont le résultat est qu’il n’est pas du sentiment de Leibnitz, parce qu’il est bon chrétien.

Je vous prie d’embrasser pour moi M. Clairaut. Je pourrais lui écrire une lettre à la Crousaz sur les forces vives ; je l’avais déjà commencée, mais je la lui épargne. Il me semble que tout est dit sur cela, que ce n’est plus qu’une question de nom.

Il n’en est pas ainsi de mes sentiments pour vous c’est la chose la plus décidée. Ne soyez jamais injuste avec moi, et soyez sûr que je vous aimerai toute ma vie.


1457. – À M. DE CIDEVILLE.
Bruxelles, ce 11 juillet.

Vir bonus et prudens versus reprehendet inertes ;
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·
Fiet Aristarchus.

(Hor., de Arte poet., v. 445 et 450.)

Voilà comme il faut des amis. Dites-moi donc votre sentiment, mon cher Aristarque, et ayez la bonté de renvoyer bien cacheté à l’abbé Moussinot ce que[1] j’ai soumis à vos lumières. Si Mahomet n’est pas votre prophète, soyez le mien. Il serait plus doux de se parler que de s’écrire ; mais la destinée recule toujours le temps heureux où Paris doit nous réunir. Nous y habiterons un jour, je n’en veux pas douter ; mais j’y arriverai vieilli par les maladies et par la faiblesse de mon tempérament. Le cœur ne vieillit point, je le sais bien mais il est dur aux immortels de se trouver logés dans des ruines. Je rêvais, il n’y a pas longtemps, à cette décadence qui se fait sentir de jour en jour, et voici comme j’en parlais, car il faut que je vous fasse cette douloureuse confidence.

Si vous voulez que j’aime encore[2],
Rendez-moi l’âge des amours ;
Au crépuscule de mes jours
Rejoignez, s’il se peut, l’aurore.

  1. Le Fanatisme ou Mahomet le prophète.
  2. Les huit stances qui suivent ont été rétablies ici par M. Clogenson, telles qu’elles sont dans l’original autographe ; on retrouvera cette pièce avec deux stances de plus dans le tome VIII.