Aller au contenu

Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome36.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Amant fortuné de la Gloire,
Vous avez voulu que l’histoire
Devint l’objet de mes travaux ;
Du haut du temple de Mémoire,
Sur les ailes de la Victoire,
Vos yeux conduisent mes pinceaux.

Mais non, c’est à vous seul d’écrire,
À vous de chanter sur la lyre
Ce que vous seul exécutez ;
Tel était jadis ce grand homme[1],
L’oracle et le vainqueur de Rome,
Qu’on vante, et que vous imitez.

Cependant la douce éminence[2],
Ce roi tranquille de la France,
Étendant partout ses bienfaits,
Vers les frontières alarmées
Fait déjà marcher quatre armées,
Seulement pour donner la paix.

J’aime mieux Jordan, qui s’allie
Avec certain Anglais impie[3]
Contre l’idole des dévots,
Contre ce monstre atrabilaire
De qui les fripons savent faire
Un engin pour prendre les sots.

Autrefois Julien le sage,
Plein d’esprit, d’art, et de courage,
Jusqu’en son temple l’a vaincu ;
Ce philosophe sur le trône,
Unissant Thémis et Bellone,
L’eût détruit s’il avait vécu.
 
Achevez cet heureux ouvrage,
Brisez ce honteux esclavage
Qui tient les humains enchaînés,
Et, dans votre noble colère,
Avec Jordan le secrétaire,
Détruisez l’idole, et vivez.

  1. Jules César.
  2. Le cardinal de Fleury.
  3. À partir du temps où cette lettre fut écrite, Frédéric donna à Jordan le surnom de Tyndalien, par allusion au déiste anglais Tyndal, dont ce savant aimait les ouvrages. Voyez la lettre 1471.