Aller au contenu

Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/184

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cesse Amélie. Moi, qui vous parle, j’ai joué Cicéron. J’aurais bien voulu que le marquis d’Adhémar eût été là en César, et que M. de Thibouville eût joué son rôle de Catilina ; mais ou ne peut pas avoir tout.

Nous avons eu l’opéra d’Iphigénie en Aulide. Quinault n’a plus à se plaindre[1] ; Racine a été encore plus maltraité que lui. Je vous avouerai, si vous voulez, que les vers des opéras qu’on donne ici sont dignes du temps de Hugues Capet ; mais, en vérité, Berlin est un petit Paris. Il y a de la médisance, de la tracasserie, des jalousies de femmes, des jalousies d’auteurs, et jusqu’à des brochures. J’attends avec impatience ce que vous et Versailles vous déciderez sur ma destinée, et ce que vous direz de la lettre[2] du roi de Prusse.

J’ai écrit à notre cher d’Argental. J’ai dit à Algarotti que nous avions lu ensemble, à Paris, son Congresso di Citera ; il en est flatté. Vous savez que les Italiens ont été les premiers maîtres en amour, quand ils ont fait revivre les beaux-arts ; mais nous le leur avons bien rendu. Adieu ; je n’ai pas un moment, et je vous embrasse en courant.


2124. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Berlin, ce 14 septembre.

Vous devez, mon cher et respectable ami, avoir reçu plusieurs lettres de moi, et Mme Denis doit vous en avoir rendu une : elle doit vous avoir dit que je vous sacrifie le pape ; mais, pour le roi de Prusse, cela est impossible. Je n’irai point en Italie, cet automne, comme je l’avais projeté. Je viendrai vous voir au mois de novembre ; j’aurai la consolation de passer l’hiver avec vous, et je reverrai souvent ma patrie, parce que vous y demeurez. J’ai remis mon voyage d’Italie à un an, et je vous embrasserai, par conséquent, dans un an. Ces points de vue-là sont bien agréables, et les voyages sont charmants quand on vous retrouve au bout. L’Italie et le roi de Prusse sont chez moi de vieilles passions qu’il faut satisfaire ; mais je ne peux traiter Frédéric le Grand comme le saint-père ; je ne peux le voir en passant. Je vous répète encore que vous approuverez mes raisons ; oui, vous me plaindrez de m’être séparé de vous, et vous ne pourrez me

  1. Allusion à l’opéra de Phaéton refait par Villati.
  2. Du 23 août 1750.