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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/252

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de renouveler juste au bout de trente ans. Il a retrouvé un torche-cul du temps du visa ; il a vendu, sans m’en dire un mot, ce torche-cul à un procureur, et ce procureur me poursuit avec toutes les horreurs de son métier. Voilà le cas où je me trouve, et cette aventure imprévue ne me tourmenterait pas sans vous. Si je peux réussir à plâtrer une trêve avec ce maraud de procureur, je suis à vous sur-le-champ et dans tous les quarts d’heure de ma vie. Quand je dis que je suis à vous, c’est de ma bourse et de mon cœur que je parle : car pour ma présence réelle, n’y comptez pas sitôt. Ni ma santé, ni d’autres raisons, ne peuvent me permettre d’aller à Paris dans le temps que je m’étais prescrit. Aimez-moi, dites aux anges et à ma nièce qu’il faut qu’ils m’aiment. Je n’écris à personne cet ordinaire, pas même à Mme Denis. Ma santé est misérable. Adieu ; je vous embrasse tendrement, mon cher Catilina.


2185. — À M. DARGET.
Février 1751.

Mon chien de procès n’étant point encore fini, et l’Ancien Testament me persécutant toujours, je ne sais que vous mander, mon cher ami. Ma maladie augmente, j’ai besoin d’un peu de courage : car, en vérité, si vous songez qu’après avoir suscité contre moi un d’Arnaud, après avoir corrompu mon secrétaire, et après m’avoir exposé par là aux suites les plus funestes, après m’avoir attaqué auprès du roi jusqu’à entrer dans les détails les plus bas, on me poursuit encore ; si vous songez à toutes les mauvaises nouvelles que j’ai reçues à la fois de chez moi ; si vous ajoutez à tout cela une maladie affreuse, et la privation de la vue de Sa Majesté, vous m’avouerez qu’il me faudrait quelque fermeté. Je n’ai plus le bonheur de lire de beaux vers, de voir et d’entendre le seul homme sur la terre pour qui j’ai pu quitter ma patrie. Je me console en travaillant à l’histoire du Siècle de Louis XIV, dans les heures où mes maux me laissent quelque relâche. Je suis continuellement dans la chambre que Sa Majesté a daigné m’accorder, pénétré de ses bontés, attendant la fin de ses rigueurs. Le roi ne sait pas tout ce que j’ai essuyé ; peut-il connaître tous les trous que font les taupes dans les jardins de Sans-Souci ? Bonsoir, mon très-cher ami. Ma nièce me mande que je dois trouver dans vous bien de la consolation, et elle a bien raison. On a créé pour Moncrif la place de secrétaire général des postes de France. Moncrif est plus vieux que moi. Il ne fait peut-être pas mieux des vers, mais il se porte bien. Ah ! mon cher ami, la perte de la