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année 1751.

point imprimer tout ce qu’ont écrit de pauvres auteurs, mais seulement ce qui peut, à toute force, être digne de la postérité.

On me mande que l’édition de Paris est incomparablement moins mauvaise que celle de Rouen[1], qu’elle est plus correcte ; j’aurais l’honneur de vous la présenter si j’étais à Paris. On veut que j’en fasse une ici à ma fantaisie ; mais je ne sais comment m’y prendre. Je voudrais jeter dans le feu la moitié de ce que j’ai fait, et corriger l’autre. Avec ces beaux sentiments de pénitence, je ne prends aucun parti, et je continue à mettre en ordre le Siècle de Louis XIV. J’ai apporté tous mes matériaux ; ils sont d’or et de pierreries ; mais j’ai peur d’avoir la main lourde.

Ce siècle était beau ; il a enseigné à penser et à parler à celui-ci ; mais gare que les disciples ne soient au-dessous de leurs maîtres, en voulant faire mieux ! Je tâche au moins de m’exprimer tout naturellement, et j’espère que quand je reverrai Paris, on ne m’entendra plus. M. le président Hénault, pour qui je crois vous avoir dit des choses assez tendres, parce que je les pense, m’aurait-il tout à fait oublié ? Il ne faut pas que les saints dédaignent ainsi leurs dévots. J’ai d’autant plus de droits à ses bontés qu’il est du siècle de Louis XIV.

Vous allez donc toujours à Sceaux, madame ? J’avais pris la liberté de donner une lettre à d’Hamon pour Mme la duchesse du Maine ; il la rendra dans quelques années. Vous avez fait deux pertes à cette cour un peu différentes l’une de l’autre : Mme de Staal et Mme de Malause[2].

Conservez-vous, ne mangez point trop ; je vous ai prédit, quand vous étiez si malade, que vous vivriez très-longtemps. Surtout ne vous dégoûtez point de la vie, car, en vérité, après y avoir bien rêvé, on trouve qu’il n’y a rien de mieux. Je conserverai pendant toute la mienne les sentiments que je vous ai voués, et j’aimerai toujours Paris, à cause de vous et du petit nombre des élus.

2245. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
À ce qu’on appelle le Marquisat, ce 5 juin.

Du fond du désert que j’habite
J’écris à mon héros errant[3].

  1. L’édition de Rouen doit être celle avec la préface de d’Arnaud ; celle de Paris est en onze volumes ; voyez la lettre 2221.
  2. La lettre 2086 est adressée à Mme de Malause.
  3. Frédéric était parti le 31 mai, de Potsdam, en tournée administrative et militaire. Il revint à Potsdam le 23 juin.