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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/384

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2332. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[1].
À Berlin, le 10 février 1752.

Madame, je me suis accoutumé à présenter des hommages à Votre Altesse sérénissime. Elle permettra que je mette à ses pieds cette histoire[2], qui peut servir à l’éducation de monseigneur le prince son fils, et je serais trop heureux qu’elle amusât le loisir de son auguste mère. Je me flatte qu’elle daignera recevoir avec bonté cette marque de mon respectueux dévouement. J’ai toujours ambitionné de lui faire ma cour. Rien ne serait plus précieux pour moi que de recevoir des marques de sa bonté à sa cour ; et si je ne peux avoir cet honneur, j’ose me flatter que j’en serai consolé par l’assurance de sa protection et de son indulgence. Je suis avec un profond respect, etc.


2333. — À. M. DARGET.
À Berlin, ce 11 février 1752.

Mon cher ami, je n’ai pu encore envoyer au roi le quatrième exemplaire de mon Siècle. Le relieur travaille pour Sa Majesté. Il est juste qu’elle soit servie avant moi. Je ne sais pas s’il occupe à présent ses moments de loisir par des vers ou de la prose ; mais je sais qu’en prose et en vers il est parvenu à pouvoir se passer aisément de ma pédanterie grammaticale. Il a joint à son génie l’exactitude et la finesse de notre langue. Je peux lui devenir inutile ; mais il me devient très-nécessaire : car que fais-je dans ma solitude derrière le Packhoff ? Ce n’est ni pour Mme Bock, ni pour Achard le neveu, ni pour un comte aveugle, qui vient, dit-on, de se marier, et qui, dit-on, demeure dans la même maison que moi ; ce n’est pas pour eux, en un mot, que je suis venu. Je suis dans un pauvre état, il est vrai, et je sens que je serai un triste convive ; mais il me reste des oreilles pour entendre, et une âme pour sentir. Je porterai donc mes oreilles et mon âme à Potsdam, dès que mon corps pourra aller. Je me fais quelquefois traîner, les soirs, chez milord Tyrconnell ; je mets mes misères avec les siennes.

J’aurais plus besoin d’avoir ma nièce auprès de moi que de la marier au marquis de Chimène. Si elle prend ce parti, ce que

  1. Éditeurs, Bavoux et François.
  2. Le Siècle Je Louis XIV.