Aller au contenu

Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Vous m’avouerez, mon cher monsieur, que, si vous avez eu quelques beaux jours au commencement de mai, vous avez payé depuis un peu cher cette faveur passagère. Mes plus beaux jours seront en automne. Je viendrai dans votre charmante cour, si je suis en vie : c’est un tour de force dans l’état où je suis ; mais que ne fait-on pas pour voir Frédéric le Grand et les hommes qu’il rassemble auprès de lui !

Souvenez-vous de moi dans votre royaume.


1984. — DE FREDERIC II, ROI DE PRUSSE.
Sans-Souci, 15 juillet[1].

Des lois de l’homicide Mars
Belle-Isle peut m’instruire en maître ;
Mais du bon goût et des beaux-arts
Il n’est que vous qui pouvez l’être,
Vous qui parlez comme les dieux
Leur sublime et charmant langage,
Vous qu’un talent victorieux
Rend immortel par chaque ouvrage,
Vous qui menez vingt arts de front,
Et qui joignez dans votre style
À la prose de Cicéron
Des vers tels qu’en faisait Virgile.

Je ne veux que vous pour maître en tout ce qui regarde la langue, le goût, et le département du Parnasse. Il faut que chacun fasse son métier. Lorsque le maréchal de Belle-Isle vétillera sur la pureté du langage, Brühl donnera des leçons militaires et fera des commentaires sur les campagnes du grand Turenne, et je composerai un traité sur la vérité de la religion chrétienne.

Votre Académie devient plaisante dans ses choix. Ces juges de la langue française vont abandonner Vaugelas pour le bréviaire[2] : cela paraît un peu singulier aux étrangers.


Enfin donc votre Académie
Va faire un couvent de dévots ;
L’art de penser et le génie
En sont exclus par les cagots.

Qui veut le suffrage et l’estime
De ces quarante perroquets
N’a qu’à savoir son catéchisme,
Au demeurant point de français.

  1. La réponse à cette lettre est du 18 août suivant.
  2. L’abbé de Vauréal, évùquc de Rennes, remplaça, à l’Académie française, Armand-Gaston de Rohan, cardinal et évêque de Strasbourg, mort le 19 juillet 1749.