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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome37.djvu/495

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tiennent dans les petites occasions ; et puis nous aurons un beau et bon contrat. Les princes ont de l’honneur ; ils ne trompent que les souverains, quand il s’agit du peuple, ou de ces respectables et héroïques friponneries d’ambition devant lesquelles l’honneur n’est qu’un conte de vieille.

J’ai perdu quelquefois une partie de mon bien avec des financiers, avec des dévots, avec des gens de l’Ancien Testament, qui auraient fait scrupule de manger d’un poulet bardé, qui auraient mieux aimé mourir que de n’être pas oisifs le jour du sabbat, et de ne pas voler le dimanche ; mais je n’ai jamais rien perdu avec les grands, excepté mon temps.

Vous pouvez, en un mot, compter sur la solidité de cette affaire et sur mon départ. Je ferai voile de l’île de Calypso sitôt que ma cargaison sera prête, et je serai beaucoup plus aise de retrouver ma nièce que le vieil Ulysse ne le fut de retrouver sa vieille femme.


2429. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Cosel, (10) septembre 1752.

J’ai reçu votre poëme[1] philosophique proche de ce Carnovie[2] où Marc-Aurèle jeta par écrit ses sages Réflexions morales ; j’en ai trouvé votre poëme d’autant plus beau. Reste à faire quelques réflexions, non pas sur la poësie, mais sur le fond et la conduite du quatrième chant, dont je me réserve à vous entretenir à mon retour. Ici les housards les ingénieurs, les officiers d’infanterie et de cavalerie me tarabustent si fort qu’ils ne me laissent pas le temps de me reconnaître. Adieu. Ayez pitié d’une âme qui est dans le purgatoire, et qui vous demande des messes pour en être tirée bientôt.


2430. — À M. FORMEY.
Potsdam, le 12 septembre.

Je crois vous avoir mandé, monsieur, que j’attendais la nouvelle de l’admission de M. Mallet, votre ami, dans l’Académie de

  1. Le Poëme sur la Loi naturelle ; voyez tome IX.
  2. Ce n’est pas à Carnovie (Jägerndorf) que Marc-Aurèle écrivit ses Réflexions. Le roi a confondu ce nom avec celui de Carnunte, en Pannonie, où l’empereur romain composa le second livre de son ouvrage.

    Frédéric, se trouvant en quartier d’hiver à Breslau, en 1778, et présumant que Carnovie était la même ville que Carnunte, fit consulter là-dessus les savants les plus renommés, qui furent pour la négative, entre autres le recteur Arletius, auquel le roi fit expédier, le 9 décembre, une flatteuse lettre de remerciement. Voyez Johann-Gaspar Arletius, par Julius Schmidt ; Breslau. 1841, page 15. (Note de l’édition Preuss.)