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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/17

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moins indigne de vous recevoir. Je vous embrasse tendrement, vous et les vôtres, et frère et fils, et vous recommande un cul et des tétons, ma chère nièce.


3136. — À M. BERTRAND[1].
Aux Délices, 18 mars 1756.

Mon cher philosophe, on est quelquefois bien honteux de remplir ses devoirs. J’ai cru en remplir un en vous envoyant ce gros recueil, mais soyez bien sûr que je sens combien un tel hommage est à plusieurs égards indigne d’un homme qui pense si bien. À force d’avoir écrit on finit par souhaiter de n’avoir jamais écrit, on sent la vanité et le néant de tous ces amusements de l’oisiveté. S’il y a dans ce ramas informe quelque chose qui demande grâce pour le reste, et qui puisse vous faire passer un demi-quart d’heure sans ennui, je serais presque consolé d’avoir perdu tant de temps dans ces pénibles et frivoles occupations. Peut-être l’Histoire générale qu’on imprime méritera-t-elle un peu plus vos regards, parce que j’ai choisi des matières plus intéressantes. Je n’ai point songé dans cet ouvrage à avoir de l’esprit, mais à donner à ceux qui en ont de fréquentes occasions de réfléchir. Ce seront les lecteurs sages qui feront mon livre, et il sera meilleur entre vos mains que dans d’autres. J’étais las des historiens qui m’apprenaient que Volfang épousa Éléonore et que Jean succéda à Pierre. J’ai voulu voir quid turpe, quid utile, quid non. Et vous le verrez bien mieux que moi.

Mme de Freudenreich est-elle à Berne ? Voulez-vous bien lui présenter mes respects et ceux de toute ma famille, que j’ai rassemblée au bord du lac ? Ne m’oubliez pas, je vous en supplie, auprès de monsieur le banneret si vous lui écrivez.

Je crois que le siège du port Mahon tire à sa fin, et qu’avant le mois d’août les habitants des îles Cassérides n’auront plus d’île dans la Méditerranée. Il est bon que chacun reste chez soi. Je vous embrasse tendrement, mon cher ami. V.

  1. Magasin universel, 1838-1839, tome VI.