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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome39.djvu/25

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Haller. Tant mieux pour eux, s’ils ressemblent un peu à grand[1] homme. Mais que ne dit-on pas à Lausanne ?

Je n’entre point dans les tracasseries ; je ne suis point de la paroisse. Je vis dans la retraite, je souffre mes maux patiemment. Je reçois de mon mieux ceux qui me font l’honneur de me venir voir. Je vous aime à jamais, et voilà tout. V.


3144. — À MM. CRAMER FRÈRES[2].

Je ne peux que vous remercier, messieurs, de l’honneur que vous me faites d’imprimer mes ouvrages ; mais je n’en ai pas moins de regret de les avoir faits. Plus on avance en âge et en connaissances, plus on doit se repentir d’avoir écrit. Il n’y a presque aucun de mes ouvrages dont je sois content, et il y en a quelques-uns que je voudrais n’avoir jamais faits. Toutes les pièces fugitives que vous avez recueillies étaient des amusements de société qui ne méritaient pas d’être imprimés. J’ai toujours eu d’ailleurs un si grand respect pour le public que, quand j’ai fait imprimer la Henriade et mes tragédies, je n’y ai jamais mis mon nom ; je dois, à plus forte raison, n’être point responsable de toutes ces pièces fugitives qui échappent à l’imagination, qui sont consacrées à l’amitié, et qui devaient rester dans les portefeuilles de ceux pour qui elles ont été faites.

À l’égard de quelques écrits plus sérieux, tout ce que j’ai à vous dire, c’est que je suis né Français et catholique ; et c’est principalement dans un pays protestant que je dois vous marquer mon zèle pour ma patrie, et mon profond respect pour la religion dans laquelle je suis né, et pour ceux qui sont à la tête de cette religion. Je ne crois pas que dans aucun de mes ouvrages il y ait un seul mot qui démente ces sentiments. J’ai écrit l’histoire avec vérité ; j’ai abhorré les abus, les querelles et les crimes ; mais toujours avec la vénération due aux choses sacrées, que les hommes ont si souvent fait servir de prétexte à ces querelles, à ces abus et à ces crimes. Je n’ai jamais écrit en théologien ; je n’ai été qu’un citoyen zélé, et plus encore un citoyen de l’univers. L’humanité, la candeur, la vérité, m’ont toujours

  1. Dans la bibliothèque cantonale de Berne, ville natale d’Albert de Haller, est un buste avec cette inscription : Le grand Haller. (Cl.)
  2. Cette lettre est imprimée dans le premier volume des Œuvres de Voltaire, 1756. Elle doit être antérieure au 12 avril, jour où Voltaire écrivait à Thieriot que l’édition était finie depuis quelques jours. (B.)