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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/112

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être humain, et, sans l’héroïsme et le trône, vous auriez été le plus aimable des hommes dans la société.

En voilà trop si vous êtes en présence de l’ennemi, et trop peu si vous étiez avec vous-même dans le sein de la philosophie, qui vaut encore mieux que la gloire.

Comptez que je suis toujours assez sot pour vous aimer, autant que je suis assez juste pour tous admirer ; reconnaissez la franchise, et recevez avec bonté le profond respect du Suisse


Voltaire.

3852. — À M. LE PRÉSIDENT DE BROSSES[1].
Au Délices, 20 mai[2].

Les fermiers généraux, monsieur, m’ont envoyé la copie d’une lettre de M. le garde des sceaux de Chauvelin à M. de La Closure, résident du roi à Genève, du 20 décembre 1758, par laquelle les droits de contrôle, insinuation, centième denier, sont compris dans tous les autres droits dont les terres de l’ancien dénombrement sont exemptes, par ordre du roi : donc il n’est point dû de centième denier pour le bail à vie de Tournay. Si ce bail à vie est regardé comme mutation, vous perdez tous vos droits ; tous avez vendu votre terre à un Français, elle est déchue de ses priviléges.

Vous m’avez vendu votre terre à vie, monsieur, et tous savez que je ne l’ai achetée que parce qu’elle était libres[3]. Vous m’avez garanti les franchises et les lods et ventes. Vous m’avez donné votre parole d’honneur, qui vaut encore mieux que votre garantie par écrit.

Je réclame l’une et l’autre pour vous et pour moi. Courez[4], je vous en conjure, chez M. de Chauvelin, l’intendant des finances ; faites-lui sentir la conséquence de cette affaire. Conservez-moi cette liberté, qui me coûte assez cher.

Vous pourriez d’ailleurs parler à monsieur l’intendant de Bourgogne. Je vous supplie de l’engager à ne point troubler le

  1. Éditeur, Th. Foisset.
  2. Quinze jours avant, par une lettre qui ne s’est pas retrouvée, Voltaire revenait sur la clause de l’acte relative aux meubles de Tournay, pressant M. de Brosses de s’en départir, ce que ce dernier ne lui accorda qu’en 1768. (Note du premier éditeur.)
  3. C’est ce qui ne résulte pas précisément de la proposition d’achat ; Voltaire toutefois le mandait ainsi à d’Argental (5 mai 1759).
  4. Le président de Brosses était alors à Paris.