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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/185

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lettres comme par les armes ; mais ce sera principalement à vous, monsieur, qu’elle en aura l’obligation. Je vous ai celle d’avoir reçu de vous des Mémoires plus instructifs qu’un panégyrique ; ce qui n’est qu’un éloge ne sert souvent qu’à faire valoir l’esprit de l’auteur. Le titre seul avertit le lecteur d’être en garde ; il n’y a que les vérités de l’histoire qui puissent forcer l’esprit à croire et à admirer. Le plus beau panégyrique de Pierre le Grand, à mon avis, est son journal, dans lequel on le voit toujours cultiver les arts de la paix au milieu de la guerre, et parcourir ses États en législateur, tandis qu’il les défendait en héros contre Charles XII. J’attends toujours vos nouveaux Mémoires avec l’empressement du zèle que vous m’avez inspiré. Je me flatte que j’aurai autant de secours pour les événements qui suivent la bataille de Pultava que j’en ai eu pour ceux qui la précèdent. Ce sera une grande consolation pour moi de pouvoir achever ma carrière par cet ouvrage. Ma vieillesse et ma mauvaise santé me font connaître que je n’ai pas de temps à perdre ; mais ce n’est pas le plus grand motif de mon empressement. Je suis impatient, monsieur, de répondre, si je le puis, à la confiance que vous avez bien voulu me témoigner, et de satisfaire votre goût autant que je suivrai vos instructions.

Voici, monsieur, un moment bien glorieux pour votre auguste impératrice et pour la Russie. C’est la destinée de Pierre le Grand et de sa digne fille de rétablir la maison de Saxe dans ses États.


3928. — OBSERVATIONS DE M. DE CHAUVELIN,
l’ambassadeur,

Sur une lettre de M. de Voltaire au roi de Prusse, écrite par ordre du ministère, 1759[1].

La lettre est très-bien ; le fond et le ton en sont à merveille ; je n’y ferai que deux observations.

1° Je ne sais si je lui présenterais aussi décisivement l’idée de restitution ; je crois qu’elle lui sera toujours amère, et je ne sais si elle ne blesserait pas sa gloire autant que son intérêt. Peut-être faudrait-il adoucir ce passage.

2° Je crois qu’il conviendrait de lui expliquer davantage le fond d’un système de pacification fondé sur les idées propres à lui, qu’il développe dans sa dernière lettre. En conséquence, je lui dirais, ce me semble :

  1. On n’a point trouvé cette lettre au roi ; voyez celle qu’il écrit à Voltaire, du 22 septembre 1759.