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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/321

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Ritener. Hélas ! je n’ai vu ni cette déclaration, ni aucune pièce du procès, ni aucun titre. Encore une fois, Ritener est un Suisse qui ne sait certainement pas si la Perrière est en Savoie ou en France ; il sait seulement que c’est un bouge qui sera toujours bouge, et je ne vois pas où est l’avantage de passer pour seigneur haut-justicier d’un bouge qui est dans le fief d’un autre.

Vous pouvez être très-sûr que dès que j’aurai consommé l’achat[1] de Tournay, je résignerai ce ridicule honneur.

Il y a, monsieur, un petit embarras pour les lods et ventes de Tournay, et je travaille à le faire lever. Permettez-moi, en attendant, de vous réitérer mes prières pour que Girod me communique tous les titres et tous les droits de la terre ; il est bien étrange qu’on ne m’ait pas encore communiqué un seul papier.

J’ose encore vous prier de m’indiquer un procureur, le moins fripon qu’on puisse trouver au parlement de Dijon, où l’on dit qu’ils le sont moins qu’ailleurs. Je vous serai très-obligé.

Permettez-moi de recourir encore à vos bontés pour une autre affaire qui rend les terres du pays de Gex bien désagréables : c’est celle de la saisie de mes blés de Ferney, le 24 janvier. C’est une avanie de Turc qu’on punit chez les Turcs. C’est un faux procès-verbal antidaté par les commis ; c’est une double déclaration du receveur et du contrôleur du bureau, qui avoue le crime de faux ; c’est une violence et une friponnerie, non pas inouïe, mais intolérable. Je vous avoue que, si je n’en ai pas raison, je vais affermer Ferney, Tournay, et mes autres domaines comme je pourrai, et que je mourrai dans mes Délices, sans remettre le pied sur la frontière de votre pays. J’ai cherché dans ma vieillesse la liberté et le repos ; on me les ôte. J’aime mieux du pain bis en Suisse que d’être tyrannisé en France.

Si vous daignez vous donner la peine de lire les pièces chez M. Dubut, vous me ferez un grand plaisir.

Vous verrez, par cette aventure, combien le pays de Gex a intérêt à s’accommoder avec les fermiers généraux. Je conçois qu’il y a des difficultés dans le projet de la compagnie qui se présente ; mais ce projet sera aisément accepté et solidement formé, si le contrôleur général le veut. Mon avis, à moi, serait qu’on donnât au roi 300,000 livres, ou même 400,000, au nom de la province, et que la province obtînt arrêt du conseil qui la détachât des cinq grosses fermes, moyennant une petite indem-

  1. Voltaire avait la jouissance viagère de Tournay, et il songeait alors à se rendre propriétaire du domaine.