Aller au contenu

Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/377

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réflexions sur tout cela ; je me fie à votre probité, et je veux avoir votre amitié.

Mandez-moi, je vous en prie, à quoi en est la persécution contre les seuls hommes qui puissent éclairer le genre humain. N’imitez pas le paresseux Diderot ; consacrez une demi-heure de temps à me mettre un peu au fait. On prétend que la cabale dit : Oportet Diderot mori pro populo[1].

Le Dictionnaire encyclopédique continue-t-il ? sera-t-il défiguré et avili par de lâches complaisances pour des fanatiques ? ou bien sera-t-on assez hardi pour dire des vérités dangereuses ? est-il vrai que de cet ouvrage immense, et de douze ans de travaux, il reviendra vingt-cinq mille francs à Diderot, tandis que ceux qui fournissent du pain à nos armées gagnent vingt mille francs par jour ? Voyez vous Helvétius ? connaissez-vous Saurin ? qui est l’auteur de la farce contre les philosophes ? qui sont les faquins de grands seigneurs[2], et les vieilles p… dévotes de la cour qui le protègent ? Écrivez-moi par la poste, et mettez hardiment : À Voltaire, gentilhomme ordinaire du roi, au château de Ferney, par Genève ; car c’est à Ferney que je vais demeurer, dans quelques semaines. Nous avons Tournay pour jouer la comédie, et les Délices sont la troisième corde à notre arc. Il faut toujours que les philosophes aient deux ou trois trous sous terre, contre les chiens qui courent après eux. Je vous avertis encore qu’on n’ouvre point mes lettres, et que, quand on les ouvrirait, il n’y a rien à craindre du ministre des affaires étrangères, qui méprise autant que nous le fanatisme moliniste, le fanatisme janséniste et le fanatisme parlementaire. Je m’unis à vous en Socrate, en Confucius, en Lucrèce, en Cicéron, et en tous les autres apôtres ; et j’emhrasse vos frères, s’il y en a, et si vous vivez avec eux.


4107. — À M. WATELET[3].
Aux Délices, 25 avril.

Je ne sais, monsieur, si c’est par un amateur que vous m’avez fait parvenir le beau présent[4] dont j’ai l’honneur de vous remercier, mais cet amateur ne s’appelle pas il far presto. Je n’ai reçu que depuis trois jours ce poëme instructif, ces leçons de maître

  1. Jean, xviii, 14.
  2. Le duc de Choiseul en était un.
  3. Éditeurs, de Cayrol et François.
  4. L’Art de peindre, poëme, 1760.