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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/441

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avec les preuves ? Ce serait là le coup de foudre ; intérim ridendum.

Oui, sans doute, le seigneur, le ministre dont il est question, a protégé Palissot et Fréron, et il me l’a mandé, et il les abandonnait, et il n’est pas homme à persécuter personne, et il pense comme il faut, quoique pædicaverit cum Freronio in collegio Clari-Montis[1], et quoique Palissot soit le fils de son homme d’affaires ; mais l’insulte faite à son amie mourante est le tombeau ouvert pour les frères. Ah ! pauvres frères ! les premiers fidèles se conduisaient mieux que vous. Patience, ne nous décourageons point ; Dieu nous aidera, si nous sommes unis et gais. Hérault disait un jour à un des frères : « Vous ne détruirez pas la religion chrétienne, — C’est ce que nous verrons », dit l’autre[2].


4162. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Radebourg, 21 juin.

Je reçois deux de vos lettres à la fois, l’une du 30 de mai[3], l’autre du 3 de juin. Vous me remerciez de ce que je vous rajeunis ; j’ai donc été dans l’erreur de bonne foi. L’année 1718 a paru votre Œdipe ; vous aviez alors dix-neuf ans[4], donc…

Nous allions livrer bataille hier ; l’ennemi, qui était ici, s’est retiré sur Radebourg ; et mon coup se trouve manqué. Voilà des nouvelles que vous pouvez débiter par toute la Suisserie, si vous le voulez.

Vous me parlez toujours de la paix ; j’ai fait tout ce que j’ai pu pour la ménager entre la France et l’Angleterre, à mon inclusion. Les Français ont voulu me jouer, et je les plante là ; cela est tout simple. Je ne ferai point de paix sans les Anglais, et ceux-là n’en feront point sans moi. Je me ferais plutôt châtrer que de prononcer encore la syllabe de paix à vos Français.

Qu’est-ce que signifie cet air pacifique que votre duc affecte vis-à-vis de moi ? Vous ajoutez qu’il ne peut pas agir selon sa façon de penser. Que m’importe cette façon de penser, s’il n’a point le libre arbitre de se conduire en conséquence ? J’abandonne le tripot de Versailles au patelinage de ceux qui s’amusent aux intrigues. Je n’ai point de temps à perdre à ces futilités ; et, dussé-je périr, je m’adresserais plutôt au Grand Mogol qu’à Louis le Bien-Aimé, pour sortir du labyrinthe où je me trouve.

Je n’ai rien dit contre lui. Je me repens amèrement d’en avoir écrit en

  1. Le collège de Louis-le-Grand (ou collège des jésuites) porta d’abord le nom de collège de Clermont.
  2. C’est au lieutenant de police Hérault que Voltaire fit cette réponse. L’anecdote est rapportée, par Condorcet, dans sa Vie de Voltaire ; voyez tome Ier.
  3. Cette lettre manque à la Correspondance.
  4. Voltaire n’avait que dix-neuf ans quand il composa son Œdipe (voyez tome II, page 7). Il en avait prés de vingt-cinq quand il fut joué.