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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/528

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Et qu’il entre, qu’il entre[1] !

Mille tendres obéissances à toute votre famille, et à tous vos amis.


4235. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[2].
À Tournay, par Genève, 20 auguste.

Madame, j’ignore si, dans la crise violente où nous sommes, les lettres que j’ai eu l’honneur d’écrire à Votre Altesse sérénissime lui sont parvenues. Que puis-je dire sur l’incendie des faubourgs de Dresde, sur tant de maisons détruites et tant de familles périssantes ! Je dis : Cela ne serait pas arrivé si la branche aînée de Gotha avait conservé ses droits. Tout est révolution, tout est malheur. Votre sagesse vous procure, madame, des jours tranquilles, au milieu de tant de désolations.

On m’assure que Votre Altesse sérénissime a reçu le paquet qu’elle a la bonté de faire passer à Mme de Bassevitz. Je me jette à vos pieds, madame, pour obtenir, par votre protection, les mémoires qu’on m’a promis. J’aime à écrire l’histoire d’un homme qui a fondé des villes, dans un temps où nous sommes entourés de la destruction. Je suis bien vieux et bien malade ; les moments me sont chers ; il ne faut pas laisser en mourant son ouvrage imparfait. C’est à Votre Altesse sérénissime que j’aurai l’obligation d’avoir achevé ce que j’ai commencé. Ce serait pour moi un beau jour que celui où je pourrais venir moi-même mettre à vos pieds l’histoire d’un législateur qui a créé un empire de deux mille lieues ; mais j’aimerais mieux vivre dans votre cour que dans cet empire. Toutes les fois que je lis la gazette, je dis : On brûle, on égorge à droite et à gauche, et on cultive en paix la vertu dans le palais de Gotha.

Grande maîtresse des cœurs, vous êtes un des premiers objets de mes réflexions. Mettez-moi aux pieds de Leurs Altesses sérénissimes, et plaignez-moi de leur présenter de si loin mes profonds respects.

  1. Que Diderot entre à l’Académie française.
  2. Éditeurs, Bavoux et François.