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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/68

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Saint-Barthélémy et les cruautés exercées dans la révocation de l’édit de Nantes.

Qui sont les oisifs qui m’imputent je ne sais quel Candide, qui est une plaisanterie d’écolier, et qu’on m’envoie de Paris ? J’ai vraiment bien autre chose à faire.

Bonjour, fortunate puer[1]. V.


3802. — À M. THIERIOT.
Au Délices, 10 mars.

J’ai reçu par le Savoyard voyageur, mon ancien ami, votre lettre, vos brochures très-crottées, et la lettre de Mme Bellot[2]. Je vais lire ses œuvres, et je vous prie de me mander son adresse, car, selon l’usage des personnes de génie, elle n’a daté en aucune façon, et je ne sais ni quelle année elle m’a écrit, ni où elle demeure. Pour vous, je soupçonne que vous êtes encore dans la rue Saint-Honoré[3]. Vous changez d’hospice aussi souvent que les ministres de place. Mme de Fontaine vous reviendra incessamment ; elle est chargée de vous rembourser les petites avances que vous avez bien voulu faire pour m’orner l’esprit.

J’ai lu Candide ; cela m’amuse plus que l’Histoire des Huns[4], et que toutes vos pesantes dissertations sur le commerce et sur les finances. Deux jeunes gens de Paris m’ont mandé qu’ils ressemblent à Candide comme deux gouttes d’eau. Moi, j’ai assez l’air de ressembler ici au signor Pococurante[5] ; mais Dieu me garde d’avoir la moindre part à cet ouvrage ! Je ne doute pas que M. Joly de Fleury ne prouve éloquemment à toutes les chambres assemblées que c’est un livre contre les mœurs, les lois, et la religion. Franchement, il vaut mieux être dans le pays des Oreillons que dans votre bonne ville de Paris. Vous étiez autrefois des singes qui gambadiez ; vous voulez être à présent des bœufs qui ruminent : cela ne vous va pas.

Croyez-moi, mon ancien ami, venez me voir ; je n’ai de bœufs qu’à mes charrues.

Si quid novi, scribe ; et cum otiosus eris, veni, et vale.

  1. Vernes avait trente ans.
  2. Voyez une note sur la lettre 1040.
  3. Chez le comte de Montmorency.
  4. Histoire générale des Huns, des Turcs, etc., par de Guignes, 175658, cinq volumes in-4o.
  5. Voyez tome XXI, page 201.