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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/75

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connaissent mon écriture. Si vous aviez connu mon cœur, j’aurais vécu auprès de vous sans m’embarrasser des housards.

À vos pieds avec un profond respect[1].


3810. — À M. BERTRAND,
22 mars.

J’enverrai, mon cher ami, votre Amiante à l’Académie de Lyon. J’aurais voulu quelque chose d’un peu plus piquant, et dont le sujet eût donné plus d’exercice à votre esprit philosophique ; envoyez-moi encore quelques petits morceaux, afin de faire une cargaison honnête.

Je crois que l’Encydopèdie se continuera ; mais probablement elle finira encore plus mal qu’elle n’a commencé, et ce ne sera jamais qu’un gros fatras. J’ai eu la complaisance d’y travailler lorsqu’il y avait encore un peu de liberté dans la littérature ; mais, puisque les assassins des rois coupent les ongles aux gens de lettres, il faut se contenter de penser pour soi, et laisser là le public, qui ne mérite pas d’être instruit.

Je crois les sottises lausannoises tout à fait finies ; mes sentiments pour vous et pour M. et Mme de Freudenreich ne finiront qu’avec ma vie.

La moitié de Genève sortit hier de la ville pour accompagner deux voleurs ; l’autre moitié va à Lyon pour voir passer des rois. Cela est peu philosophe. V.


3811. — À M. LE BARON DE HALLER[2].
22 mars.

Vous croyez avoir raison, et moi aussi : c’est ainsi qu’on est fait ; mais comme je sais mieux que vous ce qui se passe dans mon âme, et c’est la seule chose que je sais mieux que vous, je vous proteste, je vous jure, que je n’ai pas été un instant altéré de toutes ces misères de prêtraille et de typographie dont il a été question ; je suis venu à bout de ce que je voulais : c’est à ceux qui se sont attiré cette mortification à être aussi sages qu’ils sont ennuyeux… Je vous crois philosophe, et j’imagine que je le suis en étant parfaitement libre et m’étant rendu aussi heu-

  1. Ces mots sont de la main de Voltaire.
  2. Biographie d’Albert de Haller (seconde édition). Paris, Delay, 1845. — Desnoiresterres, Voltaire aux Délices.