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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/147

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4403. — À M. PRAULT FILS[1].
4 janvier[2].

M. Prault doit savoir que le volume à lui envoyé par les frères Cramer est une chose très-délicate, qu’il ne faut ni demander une permission, ni mettre mon nom à la tête du livre, ni la première lettre de mon nom ; que le libraire risquerait beaucoup ; que je n’avoue aucune des pièces que ce livre contient, et que je les désavoue presque toutes. En un mot, je le prie très-instamment d’ôter : par M. de V., qu’on a mis très-imprudemment. M. Prault y a un intérêt sensible. Il n’y a qu’à substituer au titre : Nouveau volume pour joindre aux autres, et rien de plus.

J’attends la tragédie de Tancrède. Comment a-t-il pu s’imaginer que je donne Tancrède à d’autres, en même temps qu’à lui ?


4404. — À M. DE CIDEVILLE,
rue saint-pierre, près du rempart, à paris.
Au château de Ferney, 4 janvier.

Vous vous êtes blessé avec vos armes, mon cher et ancien ami ; il n’y a qu’à ne vous plus battre, et vous serez guéri. Dissipation, régime, et sagesse, voilà vos remèdes. Je vous proposerais Tronchin, si je me flattais que vous daignassiez venir dans nos petits royaumes ; mais vous préférez les bords de la Seine au beau bassin de nos Alpes. Je m’intéresse beaucoup teretibus suris[3] de notre grand abbé[4]. Vous êtes de jeunes gens en comparaison du vieillard des Alpes. Il ne tient qu’à vous de vous porter mieux que moi. Je suis né faible, j’ai vécu languissant ; j’acquiers dans mes retraites de la force, et même un peu d’imagination. On ne meurt point ici. Nous avons une femme d’esprit[5] de cent trois ans, que j’aurais mariée à Fontenelle s’il n’était pas mort jeune.

Nous avons aussi l’héritière du nom de Corneille, et ses dix-sept ans. Vous savez qu’elle a l’esprit très-naturel, et que c’est pour cela que Fontenelle l’avait déshéritée[6]. Vous savez toutes mes marches. Il est vrai que j’ai fait rendre le bien que les jésuites

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Cette lettre est de 1761, et non de 1762. (G. A.)
  3. On lit dans Horace, livre II, ode iv, vers 21 : « Teretesque suras. »
  4. L’abbé du Resnel.
  5. Mme Lullin.
  6. Voyez les lettres 4383 et 4395.