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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/268

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gens savent proportionner leur esprit aux sujets qu’ils traitent. Jugez, monsieur, combien l’honneur que vous m’avez fait m’est précieux. J’ai écrit sur-le-champ au conseil de Genève pour le féliciter de la gloire qu’a la république d’avoir été si bien célébrée par vous, et si bien encouragée à mériter toujours ce que vous dites d’elle. Je n’ai point renoncé à mes petites Délices, qui sont dans le territoire de Genève, elles me seront toujours chères, puisque j’ai eu le bonheur de vous y posséder quelquefois ; mais je donne la préférence à un château que j’ai fait bâtir dans le pays de Gex, en Bourgogne. J’ose me flatter que milord Bourlington en aurait été content : mes jardins ne sont point à la française ; je les ai faits les plus irréguliers et les plus champêtres que j’ai pu. J’ose les croire tout à fait à l’anglaise, car j’aime la liberté, et je hais la symétrie. Je suis les leçons de M. Thull, en fait d’agriculture ; et je finis ma carrière comme Virgile avait commencé la sienne, en cultivant la terre ; il s’ennuya du lac de Mantoue, et je ne m’ennuie point de celui de Genève. Si je regrette quelque chose au monde, ce sont les bords de la Tamise. Si jamais quelque jeune Anglais qui vous ressemble vient à Genève, je vous supplie de me l’adresser, afin que j’aie souvent le plaisir de lui parler de vous. Adieu, monsieur, comptez que je serai pénétré toute ma vie de l’estime, de l’amitié et de la reconnaissance que je vous dois.


Voltaire.

4514. — À M. LE BRUN.
Au château de Ferney, 6 avril.

Voici, monsieur, une seconde édition du mémoire que M. Thieriot m’avait fait tenir. La première était trop pleine de fautes. Si vous voulez encore des exemplaires, vous n’avez qu’à parler. Il n’est que trop vrai que le libelle diffamatoire de ce coquin de Fréron a eu des suites désagréables que j’ai confiées à votre discrétion. Je me suis fait un devoir de vous donner part de tout ce qui regarde Mlle Corneille. C’est à vous que je dois l’honneur de l’élever. Encore une fois, je ne peux m’imaginer que M. de Malesherbes refuse ce qu’on lui demande. Il ne s’agit que d’un désaveu nécessaire : ce désaveu, à la vérité, décréditera les feuilles de Fréron ; mais M. de Malesherbes partagerait lui-même l’infamie de Fréron, s’il hésitait à rendre cette légère justice. En cas qu’il soit assez mal conseillé pour ne pas faire ce qu’on lui propose et ce qu’il doit, il peut savoir qu’il met les