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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/284

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nations avec autant de fautes qu’il y a de lignes. Que M. Thieriot ne s’expliquait-il ? Je lui aurais envoyé, depuis deux ans, de quoi se faire un honnête pécule en rogatons.

Vous me trouverez un peu de mauvaise humeur ; mais comment voulez-vous que je ne sois pas outré ? Je bâtis un joli théâtre à Ferney, et il se trouve un Jean-Jacques, dans un village de France, qui se ligue avec deux coquins, prêtres calvinistes, pour empêcher un bon acteur[1] de jouer chez moi. Jean-Jacques prétend qu’il ne convient pas à la dignité d’un horloger de Genève déjouer Cinna chez moi avec Mlle Corneille. Le polisson ! le polisson ! S’il vient au pays, je le ferai mettre dans un tonneau, avec la moitié d’un manteau sur son vilain petit corps à bonnes fortunes.

Pardonnez à ma colère, monsieur, vous qui n’aimez point les enthousiastes hypocrites.


4529. — À M. DE VARENNES[2].
Ferney, 22 avril.

Vous ne pouvez douter, monsieur, que je ne reçoive avec bien du plaisir la mainlevée de l’anathème prononcé contre mes troupes[3]. Il est bien difficile d’excommunier les soldats sans que les éclaboussures des foudres sacrées ne frappent un peu les officiers. La contradiction ridicule d’être payé par le roi, et de n’être pas enterré par son curé, est d’ailleurs une de ces impertinences les plus dignes de nos lois et de nos mœurs. Si l’on parvient à nous défaire de cette barbarie, on rendra service à la nation. J’attends le livre[4] avec impatience ; mais je doute fort qu’il produise un autre effet que celui de nous convaincre de notre sottise. Rien de plus commun que de nous prouver que nous avons tort, et rien de plus rare que de nous corriger.

J’ai l’honneur d’être, avec l’estime que vous m’avez inspirée, etc.

  1. Probablement Aufresne, dont Voltaire parle plusieurs fois ; voyez, entre autres, la lettre à d’Argental du 29 octobre 1764.
  2. Probablement Jacques de Varennes, mort vers 1780, ancien greffier des états de Bourgogne.
  3. Les comédiens.
  4. De Huerne de La Mothe ; voyez la note, tome XXIV, page 239.