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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/467

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dans les grands événements, surtout quand ces circonstances ne sont pas essentielles. Il me paraît que les Romains ne se sont pas souciés de faire aux Scaliger et aux Saumaise le plaisir de leur dire combien de centurions furent blessés aux batailles de Pharsale et de Philippes.

Notre boussole sur cette mer que vous me faites courir est, si je ne me trompe, la gloire de Pierre le Grand. Nous lui dressons une statue ; mais cette statue ferait-elle un bel effet si elle portait dans une main une dissertation sur les annales de Novogorod, et dans l’autre un commentaire sur les habitants de Crasnoyark ? Il en est de l’histoire comme des affaires, il faut sacrifier le petit au grand. J’attends tout, monsieur, de vos lumières et de votre bonté ; vous m’avez engagé dans une grande passion, et vous ne vous en tiendrez pas à m’inspirer des désirs. Songez combien je suis fâché de ne pouvoir vous faire ma cour, et que je ne puis être consolé que par vos lettres et par vos ordres.


4691. — À M. FYOT DE LA MARCHE[1].
(fils.)
À Ferney, par Genève, 28 septembre 1761.

Monsieur, je crois rendre ce que je dois à votre probité, et en même temps montrer mon respect pour vous et pour le parlement, en vous instruisant du procès et du procédé de M. le président de Brosses[2]. Je ne sais quel fétiche le possède[3]. Mais j’ose vous supplier, monsieur, de lire ma réponse à l’assignation qu’il m’a donnée. Je prends une plus grande liberté. Je me soumets à votre arbitrage. Monsieur votre père, qui m’a fait l’honneur de passer quelques jours dans ma cabane[4] est instruit de toute cette affaire. Elle est exactement telle que le mémoire ci-joint la présente. Je n’ai altéré aucune circonstance. Jugez s’il est convenable à un homme qui a l’honneur d’être de votre respectable corps de s’exposer à de telles vérités. Sa conduite me fait autant de peine pour lui que pour moi-même, et je demande votre pitié

  1. Éditeur, H. Beaune.
  2. Le président de Brosses avait assigné Baudy le 2 juin 1761, en payement du bois livré par celui-ci à Voltaire, et Baudy avait appelé ce dernier en garantie. L’affaire fut portée le 24 septembre au bailliage de Gex, et renvoyée à une époque indéterminée. (Note du premier éditeur.)
  3. On sait que le président était auteur d’un Traité sur les dieux fétiches, {{abréviation|in-12|in-douze}, s. 1. 1760.
  4. M. de La Marche père avait séjourné à Ferney du 5 au 13 septembre.