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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/580

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Quoi ! sérieusement, vous voulez rendre la théologie raisonnable ? Mais il n’y a que le Diable de La Fontaine à qui cet ouvrage convienne. C’est la chose impossible[1].

Laissez là saint Thomas s’accorder avec Scot[2]. J’ai lu ce Thomas, je l’ai chez moi ; j’ai deux cents volumes sur cette matière, et, qui pis est, je les ai lus. C’est faire un cours de petites-maisons. Riez, et profitez de la folie et de l’imbécillité des hommes. Voilà, je crois, l’Europe en guerre pour dix ou douze ans. C’est vous, par parenthèse, qui avez attaché le grelots[3]. Vous me fîtes alors un plaisir infini. Je ne croyais point que le sanglier que vous mettiez à la broche fût d’une si dure digestion. C’est, je crois, la faute de vos marmitons. Une chose me console, avant que je meure : c’est que je n’ai pas peu contribué, tout chétif atome que je suis, à rendre irréconciliables certain chasseur[4] et votre sanglier. J’en ris dans ma barbe : car, quand je ne souffre pas, je ris beaucoup, et je tiens qu’il faut rire tant qu’on peut. Riez donc, monseigneur, car, au bout du compte, vous aurez toujours de quoi rire. Je me sens pour vous le goût le plus tendre et le plus respectueux. Je me souviens toujours de vos grâces, de votre belle physionomie, de votre esprit ; vive felix. Daignez m’aimer un peu, vous me ferez un plaisir extrême.


4790. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
28 décembre.

Est-il donc bien vrai, mes anges, que l’Espagne a enfin exaucé mes vœux ? Puis-je en faire mon compliment ?

Me permettrez-vous de vous envoyer ce petit Mémoire à l’Académie[5] que je vous supplie de faire passer à monsieur le secrétaire ?

M. le comte de Choiseul a eu tant de bonté, que j’en abuse. Il s’agit de bien autre chose que de M. d’Excideuil[6]. Il est question

  1. C’est le titre d’un conte de La Fontaine.
  2. Laissez là saint Thomas s’accorder avec Scot.

    (Boil., sat. viii, v. 229.)
  3. C’était l’opinion générale, ainsi que le prouvent l’épigramme de Turgot et les Mémoires de Voltaire. Bernis dit le contraire (voyez sa lettre, n° 4820), et c’est aussi l’opinion de Duclos dans ses Mémoires secrets (chapitre de l’Histoire des causes de la guerre de 1756). (B.)
  4. Le chasseur est Choiseul ; le sanglier, Frédéric II, roi de Prusse.
  5. La lettre du 25 décembre : voyez n° 4788.
  6. Voyez tome XVI, page 420, et ci-Jessus, la lettre de 12 décembre, n° 4774.