Aller au contenu

Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/149

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

affaires ne vous permettent pas de venir philosopher avec vos frères.


4934. — À M. ROMAN.
Aux Délices, 16 juin.

Il y a longtemps, monsieur, que je vous dois des remerciements ; une maladie assez longue et assez fâcheuse ne m’a pas permis de remplir ce devoir.

Vous faites voir qu’on peut tout traduire, puisque vous traduisez les poëtes allemands. L’auteur d’Adam[1] n’est pas, comme son héros, le premier homme du monde ; je suis d’ailleurs un peu fâché pour notre mangeur de pomme qu’à l’âge de neuf cent trente ans il fasse tant de façons pour mourir. Si Dieu daigne m’accorder les trois vingtièmes des années de notre père, je vous donne ma parole de mourir très-gaiement ; et je vous prie de vouloir bien alors m’aider à passer, en traduisant tout doucement quelque ouvrage plus plaisant que les lamentations du mari d’Ève, qui devait savoir que tout ce qui est né est fait pour mourir, puisqu’il avait la science infuse.

Au reste, vous écrivez si bien que je vous exhorte à vous faire traduire, au lieu de traduire des tragédies allemandes. Je fais mes compliments à votre pupille, et je vous en fais à tous deux de vivre l’un avec l’autre. Je serai très-fâché quand Mme d’Albertas[2] quittera notre petit pays, où elle est adorée.


4935. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
21 juin.

Mes divins anges, je suis persuadé plus que jamais de l’innocence des Calas, et de la cruelle bonne foi du parlement de Toulouse, qui a rendu le jugement le plus inique sur les indices les plus trompeurs. Il y a quelques mois que le conseil cassa un arrêt de ce même parlement, qui condamnait des créanciers légitimes à faire réparation à des banqueroutiers frauduleux. L’affaire présente est d’une tout autre conséquence ; elle intéresse des nations entières, et elle fait frémir d’horreur. On cherche

  1. Roman (J.-J.-T.), mort en 1787, venait de donner une traduction de la Mort d’Adam, tragédie de Klopstock, 1762, in-12.
  2. M. d’Albertas, d’abord avocat général au parlement de Provence, était, en 1782, premier président de la chambre des comptes. Sabatier de Cavaillon lui adressa une épître. (B.)