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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/158

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donc toute la nation est formée par eux. J’ai été bien attrapé quand j’ai vu que la terre est couverte de gens qui ne méritent pas qu’on leur parle.

C’est un grand malheur pour moi de parler de loin à Votre Éminence. Ma consolation est de vous consulter. Je vous conjure de juger sévèrement l’ouvrage que vous permettez que je vous envoie. Je voudrais bien faire de cette pièce quelque chose de bon. Je suis déjà sûr qu’elle forme un très-beau spectacle. Je l’ai fait exécuter trois fois sur mon théâtre à Ferney : en vérité, rien n’était plus auguste ; mais une tragédie ne doit pas plaire seulement aux yeux : je m’adresse à votre cœur et à vos oreilles, aurium superbissimum judicium ; voyez surtout si vous êtes touché ; amusez-vous, je vous en supplie, à me dire mes fautes. Si la pièce est froide, la faute est irréparable ; mais si elle ne manque que par les détails, je vous promets d’être bien docile.

Recevez, monseigneur, mon très-tendre respect.


4946. — À M. DEBRUS[1].

Si la personne qui a parlé au jeune Lavaysse d’une façon si étrange n’a pas eu dessein de l’éprouver, si elle a parlé sérieusement, elle est bien condamnable, et rien ne peut excuser un pareil discours. Il y a grande apparence que le parlement de Toulouse lui a donné cette prévention[2]. Je sais déjà que plusieurs conseillers d’État pensent autrement.

Je parlerai fortement à M. le maréchal de Richelieu, quand il sera chez moi. Mais pour l’autre personne à qui on veut que

  1. Éditeur, A Coquerel. — Autographe. L’adresse est : « A monsieur, monsieur de Bruce, derrière le Rhône, près du Lion-d’Or, à Genève. »
  2. David Lavaysse, père du jeune Alexandre Gaubert-Lavaysse, qui fut impliqué fortuitement dans tous les malheurs des Calas, pour avoir soupé avec eux le jour où Marc-Antoine se tua, était un homme faible et intéressé. Pendant la première procédure, on réussit à le tromper ; on lui persuada que le crime des Calas était prouvé et l’on ménagea une entrevue entre lui et son fils prisonnier, en présence de M. de Senaux, président au parlement, un des magistrats les plus fanatiques de Toulouse. Lavaysse, devant M. de Senaux, conjura son fils d’éviter la torture et la mort en avouant que les Calas avaient étranglé Marc-Antoine.

    Plus tard il fallut que Voltaire gourmandât vigoureusement la faiblesse de Lavaysse pour qu’il se décidât à braver le parlement et à agir de nouveau en faveur de son fils.

    Cette faiblesse trop connue de sa famille, et le fait que ce jeune homme n’avait aucun lien de parenté avec les autres accusés, expliquent les obsessions auxquelles il fut exposé à diverses reprises ; mais rien n’indique exactement à quelle circonstance Voltaire fait allusion. (Note du premier éditeur.)