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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/186

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4971. — DE M. AUDIBERT[1].
réponse aux deux lettres de voltaire,
du 30 juin et du 9 juillet 1762[2].
Paris, le 20 juillet 1762.

Monsieur, ce n’est que depuis hier matin que je suis parvenu à l’entière consommation de l’affaire dont vous m’avez fait la grâce de me charger. Vous trouverez ci-inclus les pièces suivantes, qui vous instruiront de tout ce qui y a rapport : 1o l’expédition de la quittance que j’ai signée dans les registres du notaire Mathis, en vertu de votre procuration en blanc, que j’ai remplie en mon nom ; 2o le bordereau raisonné de toutes les sommes reçues et de tous les frais pavés, montant, toute déduction faite, à 43,237 l. 18 s. 8 d., que je vous remets ci-joint en une lettre de change a votre ordre, payable à douze jours de date, sur MM. Gabriel Lullin et Rilliet de Genève ; de 7,696 l. 9 s. 5 d. argent courant faisant par appoint au change de 172 cette même somme ; vous aurez soin d’en procurer le payement et de m’accuser la réception et le bien-être de toutes ces pièces, en y joignant une quittance que vous aurez la bonté de m’envoyer pour mon entière décharge. Cette remise m’a paru la plus sûre et la plus avantageuse pour vous faire tenir promplement vos fonds.

Vous observerez, monsieur, que j’ai exigé en entier et sans aucune remise la somme qui vous était due ; cela m’a paru d’autant plus juste qu’elle vous était retenue depuis assez longtemps sans intérêt, et que j’ai présumé de votre silence que la demande de M. de Saint-Tropez vous paraissait déplacée.

M. le marquis de Saint-Tropez, qui se trouve à présent en Bretagne, a consenti à me faire passer dorénavant à Marseille la rente viagère de 540 liv., que j’aurai soin de vous faire tenir exactement à Genève. Puissiez-vous la recevoir aussi longtemps que je le désire. Et pour combler les vœux de toute la nation, que ne vous est-il aussi facile d’éterniser votre vie comme d’immortaliser votre nom !

J’ai lu, monsieur, les lettres de la veuve Calas et de son fils ; j’y ai reconnu cette touchante humanité, cet esprit de philosophie et de tolérance que l’on admire dans vos procédés, vos discours et vos écrits. Il est impossible de lire ces lettres sans être vivement ému, sans prendre partie contre les juges, et sans se pénétrer des mêmes sentiments qui vous animent. Rien n’est plus propre à exciter l’attention publique sur cette malheureuse affaire, oubliée et presque ignorée à Paris et à la cour, que de répandre un grand nombre de ces Pièces originales ; il en naîtra une fermentation dans les esprits qui peut produire d’heureux effets. Il est fâcheux que ceux des sujets du roi qui, par leur religion, auraient un intérêt pressant et personnel de

  1. Ch. Nisard, Mémoires et Correspondances politiques et littéraires, page 338.
  2. On a la lettre du 9 juillet, mais non celle du 30 Juin.