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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/214

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5000. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL[1].
13 auguste.

Les mémoires, mes divins anges, que j’ai envoyés à des personnes choisies ont fait un très-bon effet ; je crois qu’ils persuaderont le public, et qu’ils n’effaroucheront point les prêtres, quand on aura retranché le catéchisme des Calas. Cette dernière leçon me parait la meilleure ; je la soumets à mes anges, qui doivent décider. J’y joins un nouveau mémoire pour les amuser ; leur prudence en pourra retrancher ce qu’ils voudront.

Bientôt je leur soumettrai Cassandre ; mais on ne peut faire qu’en faisant ; je n’ai pas beaucoup de temps à moi. Mes anges savent que je ne suis pas oisif ; qu’ils méjugent souverainement en prose et en vers, et qu’ils retranchent ou adoucissent ce qu’ils voudront.


5001. — À MADAME LA COMTESSE DE LUTZELBOURG.
Aux Délices, 13 auguste.

Ma santé, madame, ne me permet guère d’écrire ; je suis réduit à dicter, et à me plaindre de ne pouvoir jouir de la consolation de vous voir. On passe son temps à former des projets, et on n’en exécute guère. L’épitaphe latine que vous m’avez envoyée est pleine de solécismes, mais il n’y a pas grand mal ; on dira seulement que le prêtre allemand qui l’a composée ne savait pas le latin ; ce petit inconvénient n’est pas à considérer dans une si grande perte. Je vois que madame votre belle-fille aggrave encore vos douleurs ; c’est une peine de plus que je partage avec vous. Je me flatte du moins que vous n’aurez pas de procès ; ce serait éprouver à la fois de trop grands chagrins.

Vous savez qu’on parle beaucoup de paix. Plût à Dieu qu’on n’eût jamais fait cette guerre qui vous a été si funeste ! Les nouvelles de Russie ont bien dû vous étonner[2], madame ; peut-être mettront-elles des obstacles à cette paix tant désirée. Je vois de bien loin toutes ces révolutions dans mon heureuse retraite.

J’y serais encore plus heureux si Ferney n’était pas à cent lieues de l’Ile Jard. Je regretterai toujours les charmes de votre

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. La mort de Pierre III.