Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/218

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans la crainte de Dieu, dans l’amour du roi, et dans l’horreur des fanatiques, qui n’aiment ni Dieu, ni le roi, ni les philosophes.


5004. — À M. JEAN SCHOUVALOW.
Aux Délices, 13 auguste.

Vous connaissez donc aussi, monsieur, le prix de la santé par les maladies ! Vous avez donc souffert comme moi ! Il y a quelque cinquante ans que je fais le métier, et je n’y suis pas encore entièrement accoutumé.

Je vous crois bien persuadé que les rois et les représentants des rois n’ont rien de mieux à faire que de se bien porter. On parle d’une colique violente qui a délivré Pierre Ulric du petit désagrément d’avoir perdu un empire de deux mille lieues. Il ne manquera plus qu’un Ninias à votre Sémiramis pour rendre la ressemblance parfaite. J’avoue que je crains d’avoir le cœur assez corrompu pour n’être pas aussi scandalisé de cette scène qu’un bon chrétien devrait l’être. Il peut résulter un très-grand bien de ce petit mal. La Providence est comme étaient autrefois les jésuites : elle se sert de tout. Et d’ailleurs, quand un ivrogne meurt de la colique, cela nous apprend à être sobres.

Si vous n’avez pas les Mémoires des Calas, ordonnez par quelle voie vous voulez qu’on vous en adresse. Cette aventure est bien mince en comparaison de tout ce qui se passe chez les grands de la terre, Mais enfin c’est quelque chose qu’un vieillard, qu’un père de famille, accusé d’avoir pendu son fils par dévotion, et roué sans aucune preuve.


Tantum relligio potuit suadere malorum !

(Lucrèce, lib. I, v. 102.)

Voici, en attendant, deux petites relations[1] qui pourront vous amuser quelques moments ; elles supposent des mémoires précédents, mais ces mémoires enfleraient trop le paquet.


5005. — À M. LE MARQUIS DE CHAUVELIN[2].

La tragédie des Calas, et celle qui se joue depuis Pétersbourg jusqu’en Portugal, ne m’ont pas fait abandonner la famille

  1. Histoire d’Élisabeth Canning et de Calas, tome XXIV, page 398.
  2. Cette lettre avait été cousue à la précédente. Nous rétablissons sa suscription.