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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/246

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paye ses dettes[1] est tout aussi familier en anglais qu’en français, et le dimitte nobis débita nostra[2] n’en est pas plus noble pour être dans le Pater.

On a bien de la peine avec les Calas ; on n’a été instruit que petit à petit, et ce n’est qu’avec des difficultés extrêmes qu’on a fait venir les enfants à Genève l’un après l’autre, et la mère à Paris. Les mémoires ont été faits successivement, à mesure qu’on a été instruit. Ces mémoires ne sont faits que pour préparer les esprits, pour acquérir des protecteurs, et pour avoir le plaisir de rendre un parlement et des pénitents blancs exécrables et ridicules.

Comment peut-on imaginer que j’aie persécuté Jean-Jacques ? voilà une étrange idée ; cela est absurde. Je me suis moqué de son Émile, qui est assurément un plat personnage ; son livre m’a ennuyé ; mais il y a cinquante pages que je veux faire relier en maroquin. En vérité, ai-je le nez tourné à la persécution ? Croit-on que j’aie un grand crédit auprès des prêtres de Berne ? Je vous assure que la prêtraille de Genève aurait fait retomber sur moi, si elle avait pu, la petite correction qu’on a faite à Jean-Jacques, et j’aurais pu dire :


· · · · · · · · · · Jam proximus ardet
Ucalegon[3] · · · · · · · · · ·


si je n’avais pas des terres en France, avec un peu de protection. Quelques cuistres de calvinistes ont été fort ébahis et fort scandalisés que l’illustre république me permît d’avoir une maison dans son territoire, dans le temps qu’on brûle et qu’on décrète de prise de corps Jean-Jacques le citoyen ; mais comme je suis fort insolent, j’en impose un peu, et cela contient les sots. Il y a d’ailleurs plus de Jean Meslier et de Sermon des cinquante[4] dans l’enceinte des montagnes qu’il n’y en a à Paris. Ma mission va bien, et la moisson est assez abondante. Tâchez de votre côté d’éclairer la jeunesse autant que vous le pourrez.

J’ai envoyé à frère Damilaville un[5] long détail d’une bêtise imprimée dans les journaux d’Angleterre ; c’est une lettre qu’on prétend que je vous ai écrite : vous auriez un bien plat correspondant si je vous avais en effet écrit de ce style.

  1. Voyez tome VII, page 481.
  2. Matthieu, vi, 12.
  3. Virgile, Æn., II, 311-312.
  4. Voyez tome XXIV, pages 293 et 437.
  5. Voyez la lettre du 29 auguste, n° 5021.