Aller au contenu

Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/261

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne les point jouer. Quel est le père qui voulût qu’on coupât les pieds à son fils ?

Lekain m’a envoyé la façon dont il dit qu’on joue Zaïre ; cela est abominable. Pourquoi estropier ma pièce au bout de vingt ans ? Il me semble qu’il se prépare un siècle d’un goût bien dépravé. Je n’ai pas mal fait de renoncer au monde : je ne regrette que vous dans Paris.

Je n’aurai M. le maréchal de Richelieu que dans quelques jours. Notre tripot ne laisse pas de nous donner de la peine. Ce n’est pas toujours une chose aisée de rassembler une quinzaine d’acteurs au pied du mont Jura, et il est encore plus difficile de conserver ses yeux et ses oreilles à soixante-huit ans passés, avec un corps des plus minces et des plus frêles.

Je vous ai écrit sur les Calas[1]. Je vous ai adressé mon petit compliment à M. le comte de Choiseul. Vous ne m’avez point dit s’il en est bien mécontent.

Je vous ai adressé un petit mémoire très-politique[2] qui ne me regarde pas.

Je suis un peu en peine de mon impératrice Catherine. Vous savez qu’elle m’avait engagé à obtenir des encyclopédistes, persécutés par cet Omer, de venir imprimer leur Dictionnaire chez elle. Ce soufflet, donné aux sots et aux fripons, du fond de la Scythie, était pour moi une grande consolation, et devait vous plaire ; mais je crains bien qu’Ivan ne détrône notre bienfaitrice, et que ce jeune Russe, élevé en Russe chez des moines russes, ne soit point du tout philosophe.

Je vous conjure, mes divins anges, de me dire ce que vous savez de ma Catherine.

Je baise le bout de vos ailes plus que jamais.


5054. — DE M. DIDEROT[3].
29 septembre 1762.

Non, très-cher et très-illustre frère, nous n’irons ni à Berlin ni à Pétersbourg achever l’Encyclopédie, et la raison, c’est qu’au moment où je vous parle on l’imprime ici, et que j’en ai des épreuves sous mes yeux. Mais, chut ! Assurément c’est un énorme soufflet pour mes ennemis que la proposition de l’impératrice de Russie ; mais croyez-vous que ce soit le premier

  1. Lettre 5029.
  2. Voyez la lettre 5045.
  3. Édition Assézat et Tourneux.