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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/318

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l’Épinay[1] ; ce n’est pas pour la marier. M. le maréchal de Richelieu paraît avoir usé de ses droits de premier gentilhomme de la chambre avec cette infante ; il veut la payer en partie par les rôles qu’avait Mlle Gaussin dans les pièces de votre serviteur ; il me demande une déclaration en faveur de la demoiselle, et même au détriment de l’infante Hus. Dites-moi, mes souverains, ce que je dois faire. Jamais je n’ai été moins au fait du tripot, et moins en état d’y travailler. Il faut finir mes tâches prosaïques, et attendre l’inspiration. Je crois que, s’il arrivait malheur aux pièces nouvelles, les comédiens pourraient trouver quelque ressource dans le Droit du Seigneur et dans Mariamne, telle qu’elle est : car je vous avoue que je trouve très-bon que la Salomé dise à Mariamne qu’elle ne la regarde plus que comme une rivale[2]. C’est précisément cette rivalité dont il s’agit, c’est de quoi Salomé est piquée ; et une femme à qui on joue ce tour dit volontiers à son adverse partie ce qu’elle a sur le cœur.

À l’égard de Zulime, pourquoi l’imprimer, si elle ne peut rester au théâtre ? et il me semble qu’elle ne peut y rester si on ne laisse la fin telle que je l’envoyai, et telle que nous l’avons jouée sur le théâtre de Ferney. Vous m’avouerez qu’il est dur pour un pauvre auteur qu’on change malgré lui ce qu’il croit avoir bien fait. Il peut se tromper, cela n’arrive que trop souvent ; mais vous savez qu’il n’en est pas moins sensible, et surtout quand il a vu l’effet heureux des choses qu’on veut rayer dans son ouvrage, et qu’on y substitue des corrections dont il est mécontent. Il a quelque droit d’être affligé.

Quant au duc de Foix rechangé en un autre personnage[3], n’est-ce pas un peu trop d’inconstance ? Souffrira-t-on plus aujourd’hui une méchante action dans un prince du sang qu’on ne la supporta autrefois ? N’y a-t-il pas des choses qu’il faut placer dans des temps éloignés, et qui révoltent quand elles sont présentées dans des temps plus récents ? Ne vaut-il pas mieux mettre une proposition sanguinaire et barbare dans la bouche des Maures que dans celle des Anglais ? Ce sont les Maures qui demandent le sang du héros de la pièce ; ce sont eux qui exigent qu’un prince français leur sacrifie son frère. En vérité, je ne vois pas comment on pourrait supposer que des Anglais (qui se

  1. Pierre-Claude-Hélène Pinet, dite d’Épinay, née vers 1740, mariée, en 1769, à François-René Molé, morte à Paris le 17 septembre 1782.
  2. C’est acte II, scène ii, que Salomé appelle Mariamne « impudente rivale » ; voyez tome II, page 183.
  3. Redevenu le duc de Vendôme ; voyez tome III, pages 80 et 196.