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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/332

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j’aurai mes neiges, je n’irai point chez lui. Je suis d’ailleurs très-malingre, et assurément plus que lui, malgré ses convulsions de Saint-Médard ; et observez qu’il n’a que soixante ans, et que j’en ai bientôt septante, quoi qu’on die[1].

Ô mes anges ! tant que mon vieux sang circulera dans mes vieilles veines, mon cœur sera à vous. Mais, à présent, comment renvoyer notre jeune soudard au milieu des glaces et des neiges ? Savez-vous bien que cela est embarrassant ? Tout ce qui m’arrive est comique ; Dieu soit béni ! Je remercie M. de Parcieux[2] et je n’ai que faire de lui pour savoir que la vie est courte.

Pour ce nigaud de Laugeois, neveu de Laugeois, vous pouvez avoir la bonté de m’envoyer son rabâchage davidique[3], en deux envois, contre-signes duc de Praslin. Je mettrai sa prose à côté des chansons hébraïques de Lefranc de Pompignan.

Mes chers anges, seriez-vous assez bons pour m’envoyer ce mémoire d’un président au mortier[4], incendié par vos présidents au mortier ? Cela doit être divertissant.

Portez-vous bien, mes anges ; c’est là le grand point.

Respect et tendresse.


5124. — À M. LE MARQUIS DE CHAUVELIN.
Dans les neiges, 5 janvier.

Ma main n’a pas suivi mon cœur ; tout ce que je souhaite, c’est que Votre Excellence daigne être fâchée de ma paresse. J’ai été malade, j’ai travaillé, j’ai voulu vous écrire de jour en jour, et je ne l’ai point fait. Je suis très-coupable envers moi, car je me suis privé d’un très-grand plaisir. Si vous étiez à Paris, j’aurais bien plus d’amitié pour Olympie et pour le Droit du Seigneur. Les entrailles paternelles s’émouvraient bien davantage pour mes enfants quand vous en seriez le parrain. Tout ce que je crains, c’est d’acquérir de l’indifférence avec l’âge : l’indifférence glace les talents. Qui voit les choses de sang-froid n’est bon que pour votre illustre métier.


Le ministère, à ce qu’on dit,
Veut une âme tranquille et sage,

  1. Femmes savantes, acte III, scène ii.
  2. Antoine de Parcieux, à qui est adressée une lettre du 17 juillet 1767.
  3. Traduction nouvelle des Psaumes de David, faite sur l’hébreu, Justifiée par des remarques sur le génie de la langue ; 1762, deux volumes in-12.
  4. Boyer d’Aiguilles, voyez la note, page 320.