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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/343

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un jésuite ? Aurez-vous la bonté de me faire lire le discours du fou au mortier ? M. de Lasalle, ce M. de Lasalle, conseiller de Toulouse, qui était si persuadé de l’innocence des Calas, et qui les a fait rouer en se récusant[1], est-il à Paris ? est-il venu chez vous ?

Le beau Cramer, qui sait par ouï-dire qu’il imprime le Corneille, est-il venu s’entretenir avec vous des intérêts des princes ? Savez-vous à présent à quoi vous en tenir sur les souscriptions ? Savez-vous que ni Mme de Pompadour, ni prince, ni seigneur, n’ont donné un écu ? N’êtes-vous pas fatigué de mes longues lettres ? Ne pardonnez-vous pas à votre créature V. ?


5134. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[2].
À Ferney, 10 janvier.

Madame, les bontés de Votre Altesse sérénissime me raniment au milieu des neiges. J’en ai de deux façons, celles de mon âge de près de soixante-dix ans, et celles des Alpes. Ces deux ennemis ne m’ont pas empêché d’avoir l’honneur de vous écrire ; mais d’autres ennemis du genre humain, à pied et à cheval, qui inondaient votre Allemagne, pourraient bien avoir intercepté mes hommages. Dieu merci, madame, nous allons être défaits de la guerre et des jésuites. Il ne restera plus guère de fléaux. Je crois en effet le roi de Prusse un peu hâlé des fatigues de ses campagnes, et son esprit toujours brillant. Il a plus de gloire que d’années. Je n’ai plus l’honneur de lui écrire depuis longtemps. Je souhaiterais seulement n’être pas au nombre de ceux qui, en admirant son mérite, ont un peu à se plaindre de sa personne.

Il me paraît, madame, que, malgré cette paix commencée, il y a encore des orages en Allemagne. C’est la mer qui gronde encore après une violente tempête. J’attends ce soir, madame, dans mon ermitage paisible, un prince qui a été un peu ballotté dans toutes ces secousses : c’est le frère du duc régnant de Wurtemberg, et ce n’est pas le Prussien : aussi n’a-t-il pas épousé la nièce d’un roi, mais une demoiselle de Saxe fort jolie. Je crois qu’il l’amènera. On dit que ce mariage n’est approuvé que de ceux qui savent aimer, et que le baron de Thunder-ten-tronckh[3] en serait

  1. Voyez tome XXIV, page 403.
  2. Éditeurs, Bavoux et François.
  3. Voyez Candide, chap. 1er