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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/353

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d’Acanthe et de Nanine. Si elle veut encore celui de Lise, dans l’Enfant prodigue, je le lui donne par un codicille, révoquant à cet effet tous les testaments antérieurs.

Qu’est-ce que c’est que le vieux Dupuis[1] ? On dit que la pièce est de Collé. Si cela est, elle doit être extrêmement gaie, comme toute honnête comédie doit l’être : car, pour les comédies où il n’y a pas le mot pour rire, c’est une infamie que je ne pardonnerai jamais à cette folle de Quinault[2], qui mit à la mode ce monstre si opposé à son caractère.

Dieu vous ait, mes bons anges, en sa sainte et digne garde ! Respect et tendresse.


5144. — À M. LE COMTE ALGAROTTI.
À Ferney, 17 janvier.

Mon cher cygne de Padoue, si le climat de Bologne est aussi dur et aussi froid que le mien pendant l’hiver, vous avez très-bien fait de le quitter pour aller je ne sais où : car je n’ai pu lire l’endroit d’où vous datez, et je vous écris à Venise, ne doutant pas que ma lettre ne vous soit rendue où vous êtes. Pour moi, je reste dans mon lit comme Charles XII, en attendant le printemps. Je ne suis pas étonné que vous ayez des lauriers dans la campagne où vous êtes ; vous en feriez naître à Pétersbourg.

En relisant votre lettre, et en tâchant de la déchiffrer, je vois que vous êtes à Pise, ou du moins je crois le voir. C’est donc un beau pays que Pise ? Je voudrais bien vous y aller trouver ; mais j’ai bâti et planté en Laponie ; je me suis fait Lapon, et je mourrai Lapon.

Je vous enverrai incessamment le deuxième tome du Czar Pierre[3]. Je me suis d’ailleurs amusé à pousser l’Histoire générale jusqu’à cette paix dont nous avions tant besoin[4]. Vous sentez bien que je n’entre pas dans le détail des opérations militaires ; je n’ai jamais pu supporter ces minuties de carnage. Toutes les guerres se resemblent à peu près : c’est comme si on faisait l’histoire de la chasse, et que l’on supputât le nombre des chiens mangés par les loups. J’aime bien mieux vos lettres militaires, où

  1. Dupuis et Desronais, comédie en trois actes et en vers libres, de Collé, jouée le 17 janvier 1763.
  2. Jeanne-Françoise Quinault ; voyez la note, tome XXXIV, page 48.
  3. Il parut en 1763.
  4. Le huitième volume de l’Essai sur l’Histoire générale parut aussi en 1763.