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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/394

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contre le peintre, qui heureusement se trouvera à cent lieues des Omer et des Berthier. Adieu, mon cher et illustre philosophe ; conservez bien vos yeux, sans quoi les fanatiques diraient que vous ressemblez à Tirésie, que les dieux aveuglèrent pour avoir révélé leur secret aux hommes. Vivez, voyez, et écrivez longtemps pour l’honneur des lettres, pour le progrès de la raison, et pour le bien de l’humanité ; et souvenez-vous quelquefois qu’il y a sur les bords de la Seine un homme qui vous aime, vous honore, et vous admire, et qui vous eût conservé les mêmes sentiments sur les bords de la Sprée et sur ceux de la Neva.


5187. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
13 février.

Mme Denis étant malade, le jeune Dupuits et Marie Corneille étant très-occupés de leur premier devoir, qui n’est pas tout à fait d’écrire, moi, l’aveugle V., entouré de quatre pieds de neige, je dicte la réponse à la lettre de Mme d’Argental l’ange, du 7 de février ; et voici comme je m’y prends.

Cujas, Charles Dumoulin, Tiraqueau, n’auraient jamais parlé plus doctement et plus solidement de la validité d’un contrat, et nous tombons d’accord de tout ce que disent nos anges. Je n’ai point vu le modèle de consentement paternel que Mme Denis avait envoyé à Mme d’Argental ; elle écrit quelquefois sans daigner me consulter. Je ne sais quel est l’âne qui lui avait donné ce beau modèle de consentement. Le contrat est dressé dans toutes les règles et le mariage fait dans toutes les formes, les deux amants très-heureux, les parents enchantés ; et, à nos neiges près, tout va le mieux du monde. Ce qu’il y a de bon, c’est que, quand même les souscriptions ne rendraient pas ce qu’on a espéré, le conjoint et la conjointe jouiraient encore d’un sort très-agréable. Il ne nous reste donc qu’à nous mettre aux pieds de nos anges, et à les remercier du fond de notre cœur.

S’ils veulent s’amuser de cette terrible feuille qui devait tant déplaire à messieurs, la voici ; elle est un peu contre ma conscience. Je veux bien que monsieur le coadjuteur sache qu’on trouve, à la feuille suivante[1], qu’un de messieurs, qui avait été traité avec plus de sévérité que les autres, fonda, dans son abbaye, à perpétuité, une messe pour la conservation du roi. J’ai cru ce trait digne d’être remarqué, j’ai cru qu’il peignait nos mœurs ; et il y a environ douze batailles dont je n’ai point parlé, Dieu merci,

  1. Voyez tome XV, page 394.