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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/400

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rendre à la capitale : en un mot, je crois que je ferai bientôt une grange de mon théâtre, et que j’y mettrai des gerbes de blé au lieu de lauriers.

J’avais un peu de honte de me donner du plaisir à l’âge de soixante et dix ans, mais j’ai été un peu rassuré par un vieux fou qui en a soixante et dix-huit, et qui joue la comédie, étant paralytique ; il s’appelle Le… Il m’a mandé qu’il jouait Lusignan dans Zaïre, avec beaucoup de succès ; qu’il se faisait porter sur un brancard, et qu’en un mot on n’avait pas besoin de jambes pour jouer la comédie. Il a raison, mais on a besoin d’yeux et d’oreilles.

Je crois qu’on aura incessamment à Paris une pièce du Peintre de la nature, notre cher Goldoni. Je souhaite que tous les Français soient en état de sentir tout son mérite. Un homme qui entend parfaitement l’italien me mande qu’il est extrêmement content de la pièce[1] dont notre cher Goldoni a honoré notre théâtre.

Ah ! monsieur, si je n’avais pas bientôt soixante et dix ans, vous me verriez à Bologna la grassa.

La riverisco di cuore.


5192. — À M. DEBRUS[2].
14 (février).

Vous avez appris, sans doute, mon cher monsieur, que M. de Crosne a rapporté pendant trois ou quatre heures notre grande affaire. On dit qu’il a parlé comme un ange ; il finira à la seconde séance.

J’ai reçu une lettre de l’intendant de Rouen[3], beau-père du rapporteur ; il pense comme nous ; tout le public est pour nous. Remerciez Dieu de votre succès. S’il y avait eu un homme comme vous à Toulouse, parmi les juges, ils n’auraient pas à se reprocher le meurtre affreux que leur fanatisme a commis. Adorons ensemble la Providence, qui daignera tirer un bien d’un mal si horrible, et qui pourra faire succéder la tolérance à cet esprit de fureur qui a régné si longtemps chez les hommes.

  1. L’Amour paternel, voyez page 380.
  2. Éditeur, A. Coquerel. — L’adresse est ; « À monsieur, monsieur de Brus, à Genève. »
  3. M. de La Michodière.