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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/426

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5223. — À M. PIERRE ROUSSEAU.
Aux Délices, 8 mars[1].

La plus petite de toutes les méprises imprimées, et la moins importante, est l’honneur qu’on me fait, dans le Journal encyclopédique du mois de mars 1763, d’avoir reçu de madame l’archiduchesse des bouts-rimés à remplir[2]. Je n’ai, Dieu merci, ni reçu cet ordre, ni fait des bouts-rimés. Cependant, comme il faut obéir aux princesses, quelque vieux qu’on soit, je déclare que je ferai de mauvais bouts-rimés quand Leurs Altesses impériales l’ordonneront positivement.


5224. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
Aux Délices, 9 mars.

Assurément vous êtes bien anges ; et je suis bien payé pour le croire et pour le dire. Vous me traitez précisément comme Gabriel[3] traita Tobie. Vous m’enseignez un remède pour mes yeux ; mais ce n’est pas du fiel de brochet. Je vous remercie bien tendrement, mes chers anges.

Je vois qu’il faut abandonner le tripot pour longtemps. Vous n’ignorez pas sans doute que Mlle Clairon est dans le cas de l’hémorroïsse, et que le sauveur Tronchin lui a mandé qu’il ne pouvait la guérir si elle ne venait toucher le bas de sa robe. Il la déclare morte si elle joue la comédie. Je me bornerai donc à commenter Corneille et à admirer Racine.

Mais admirez dans quel embarras me jette Pierre Corneille. Ce n’est pas assez pour lui d’avoir fait Pertharite, Théodore, Agésilas, Attila, Suréna, Pulchérie, Othon, Bérénice ; il faut encore qu’un arrière-petit-fils de tous ces gens-là vienne du pays de la mère aux gaines[4] me relancer aux Délices.

C’est réellement l’arrière-petit-fils de Pierre. Il se nomme Claude-Etienne Corneille, fils de Pierre-Alexis Corneille, lequel

  1. Ce fragment a été imprimé dans le Journal encyclopédique du 1er avril 1763. Beuchot lui donne à tort la date du 8 mai 1763.
  2. Du 1er mars, page 115. Les bouts-rimés sont au nombre de vingt. Voici le premier vers :

    Un simple soliveau me tient lieu d’architrave.

  3. C’est Raphaël, et non Gabriel, qui traita Tobie ; voyez Tobie, chap. vi, v. 5.
  4. La ville de Moulins ; voyez le conte du Bélier, par Hamilton.