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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/429

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dus. Puisque vous êtes arrivé à soixante-dix ans avec la machine frêle que je vous ai connue, et les travaux sans nombre auxquels vous l’avez assujettie, je vous promets une vie aussi longue que celle de la maréchale de Villars, qui s’est défendue dans son lit comme le maréchal à Malplaquet. Tant que vous serez gai, vous vous porterez bien. Ménagez vos yeux, dictez, et n’écrivez jamais. Quoique je sois assez sévère sur ce qui regarde le prochain, je vous permets pourtant des plaisanteries sur l’orgueil sans mérite et les vanités déplacées en tout genre : vous en digérerez mieux, et ferez mieux digérer les autres.

L’affaire des Calas, après avoir intéressé le public, commence à intéresser les juges. Le conseil a demandé au parlement de Toulouse les pièces du procès.

Envoyez-moi vos traductions de Shakespeare et de Calderon. J’ai été fort aise de la réception de l’abbé de Voisenon à notre Académie. Il a de la grâce dans l’esprit, et une gaieté très-utile pour les réformateurs éternels d’un dictionnaire. Nous allons avoir un nouveau confrère ; mais, grand Dieu ! quand est-ce donc qu’on dispensera les nouveaux académiciens de remplir, dans leurs discours de réception, un vieux bout-rimé qui désole celui qui le fait et ennuie celui qui le lit ?

Adieu, mon cher confrère ; aimez-moi toujours, et dites à Mlle Corneille que c’est sa faute d’être si jeune : il y a vingt ans, j’aurais fait son épithalame.


5226. — À M. DEBRUS[1].

Mon cœur sent comme le vôtre, mais j’ai peur que mon esprit ne pense pas de même. Vous savez, mon cher monsieur, combien les parlements se ménagent les uns les autres. Voyez si, dans l’affaire du juif de Colmar, le conseil d’Alsace a reçu la moindre flétrissure. On me fait craindre que nous soyons renvoyés à Aix ou à Grenoble ; or vous savez qu’un parlement n’a aucune juridiction sur un autre : on lui donne le procès à revoir, mais on ne l’établit pas juge criminel d’un autre parlement. Je rêve tous les jours à la tournure qu’on pourrait donner à cette affaire. Je crois qu’il faudra hardiment prendre David à partie. Si l’on pouvait en faire autant au sieur Lasborde et compagnie, ce serait bien le mieux[2]. C’est sur quoi je vais écrire à M. Mariette et à mes amis. Je fais des tentatives de plus d’une espèce. En attendant, jouissons toujours de la victoire très-signalée remportée au conseil sur un de ces corps qui ont en France un si prodi-

  1. Éditeur, À. Coquerel.
  2. David représente ici le premier tribunal devant lequel parurent les accusés, celui des capitouls, et Lasbordes, le second, le parlement.