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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome42.djvu/44

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de grands malheurs. Si vous voulez bien passer encore une journée à donner à quelques parties de ce grand tableau des coups de force et de lumière, et à substituer des expressions plus propres ou plus animées à un petit nombre d’expressions trop vagues et trop faibles, je suis assuré que les gens d’esprit et de goût seront fort contents de cet ouvrage. Je voudrais cependant qu’il fût dit plus clairement comment Statira a été tuée au milieu des combats par Cassandre : est-ce dans une bataille, ou dans le sac de Babylone ? Statira commandait-elle une armée, ou l’a-t-on assiégée dans son palais ? Je voudrais que Cassandre dît aussi un peu plus franchement à son confident, ou dans un monologue, que l’ambition l’a porté au meurtre de Statira. Il doit rejeter cette horreur sur le hasard des combats et la fatalité de la guerre, lorsqu’il parle à la mère et à la fille. On ne comprend pas comment Cassandre a pu se méprendre au point de tuer une femme pour un homme ; ou, si c’est une femme qu’il a voulu tuer, qu’il n’ait pas reconnu la veuve d’Alexandre. Statira lui reproche deux fois qu’après l’avoir poignardée il l’a trainée sur la poussière ; je retrancherais cette circonstance atroce, qui rend Cassandre encore plus dégoûtant qu’odieux. Celui-ci doit affaiblir son crime, autant qu’il le peut, aux yeux d’Olympie et de sa mère ; mais il en doit instruire le spectateur, et lui avouer que la politique et l’ambition l’ont poussé à cet excès : cet aveu en diminuerait l’horreur. Voilà mon petit avis, que je soumets au vôtre. Je suis bien fâché que vous ne soyez pas content de votre santé ; il me semble cependant qu’une belle tragédie annonce qu’on se porte bien. J’ai prié le duc de Villars de me renvoyer Cassandre quand il l’aurait lu, parce que je vous ferais passer cette pièce sous mon contre-seing.

Adieu, mon cher confrère ; aimez-moi toujours, et ne vous lassez pas de m’enrichir.


4830. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL
Au. Délices, 6 février.

Mes anges grondeurs doivent à présent avoir examiné et jugé mon délit. On a écrit à Gui Duchesne[1], qui demeure pourtant au Temple du Goût[2], et on l’a traité comme si sa demeure était dans la maison de maître Gonin. En eflet, il avait attrapé la pièce du souffleur, moyennant quelques écus et quelques bouteilles. Encore une fois, je me trompe fort, ou ma lettre n’était qu’un compliment.

Ou je me trompe encore, ou Zulime produira peu à Lekain et à Mlle Clairon ; et je ne crois pas qu’ils trouvent un libraire qui leur en donne plus de 800 livres, attendu que c’est un ouvrage déjà livré à l’impression, et rapetassé au théâtre.

Si M. Picardin ou Picardet a fait le Droit du Seigneur, ou

  1. Cette lettre manque, ainsi que celle dont il est question dans la lettre 4825.
  2. C’était l’enseigne de Duchesne ; voyez tome VI, page 335.